EPISODE 2
Dérives liées à l’exotisme spirituel, à l’appropriation culturelle et au manque d’inclusion dans le milieux de la spiritualité et du bien-être
Présentation
Dans ce deuxième épisode du podcast des racines naissent les fleurs, nous allons suivre la lignée du dernier épisode. Nous allons donc continuer à défricher le terrain de nos spiritualités modernes, du monde du bien-être et des médecines naturelles.
Nous allons tenter d'émettre des critiques constructives, essayer de partager des pistes de réflexion, afin de faire évoluer nos pratiques, apporter de nouvelles perspectives afin de refonder nos façons de penser et de faire.
Dans cet épisode nous parlerons de contournement spirituel, de tourisme spirituel et psychédélique, d'exotisme spirituel, de néocolonialisme et d'appropriation culturelle. Nous aborderons des thématiques délicates mais, toutefois, nécessaires afin d'ouvrir des espaces plus inclusifs. Nous aborderons donc les notions de privilège et de spiritualité blanche. Nous évoquerons la nécessité de simplifier et de décoloniser nos pratiques tout en apportant des clefs pour cheminer dans ce sens en toute bienveillance.
Pour qui ?
Cet épisode s'adresse à la fois aux entrepreneurs du bien-être, aux thérapeutes du sensible mais aussi tout simplement aux personnes qui s'intéressent à la naturopathie et à la spiritualité, au chamanisme, qui se sentent attiré.e.s et inspiré.e.s par ces univers.
Sources et ressources:
Podcast :
Français
Podcast Maintenant vous savez :
Qu'est-ce que le privilège blanc ?
https://originals.bababam.com/maintenant-vous-savez/202006170300-quest-ce-que-le-privilege-blanc
Podcast Les Couilles sur la table
#74 Tuer les femmes : une histoire mondiale (1/2)
https://open.spotify.com/episode/0GzKyritwJhvpIfXIOYSVP?si=WZ_ZEzZBTsuvmpJYSVNosw&dd=1
Podcast Les Couilles sur la table
#74 Tuer les femmes : une histoire mondiale (2/2)
https://open.spotify.com/episode/4LCISvvxaJGS5YcO230PAN?si=KFNLya_OQVql3pkRavqNMA&dd=1
Podcast Sans blanc de rien
Épisode #1 : le déni
https://open.spotify.com/episode/74xlzlyGPHXKlGYxExbCIn?si=8I6HmkP6Rga99igA7Uu1Hw&dd=1
Podcast Sur le grill d'Écotable
#65 Quels liens entre alimentation et racisme?
https://open.spotify.com/episode/5Ic5HUNuM8vY2PoGzywxYv?si=YM7NNmsQRuaN8rV9ObWcXw&dd=1
Podcast Kiffe ta race de Rokhaya Diallo et Grace Ly :
Veganisme et écofeminisme des trucs de blanc.hes ?
https://open.spotify.com/episode/09LxVlDnntIvQmkNYLT7Ny?si=NLrx7Co7T-2W5noPxL3SOw
Podcast L’art de l’astrologie
Appropriation culturelle, privilège blanc et spiritualité
https://open.spotify.com/episode/1XrRQYYQaWAlwW8JLs1U85?si=-L_43oC9QpuOVS0uWGG8IA&dd=1
Radio Franceinter
L’appropriation culturelle, pourquoi est-ce polémique ?
Podcast Maintenant vous savez
Qu’est ce que l’appropriation culturelle ?
https://open.spotify.com/episode/6GEYwBsWCY1gtfLCDmH6Bl?si=2XN_WxzCTl6NVAYh9dre_w&dd=1
Podcast Kiffe ta race de Rokhaya Diallo et Grace Ly
#23 Appropriation culturelle, le racisme l’air de rien
https://open.spotify.com/episode/7GGt114leOd6XkeNLW4jL6?si=wql9bdG8ST2768MKv72uwA&dd=1
Podcast Kiffe ta race
#79 Y a-t-il une « culture blanche »
https://open.spotify.com/episode/2FIV7PRiYiy7k5LQOJwoir
Podcast Les couilles sur la table
#64 Le patriarcat contre la planète
https://open.spotify.com/episode/5EjUDQJC8QHi8MAwI5j90t?si=iITDFsvwQN-rKHMjCHJRcQ
Podcast la good vibe only
Quelles sont les différences entre le Newage et la Spiritualité ?
https://open.spotify.com/episode/6O2KHptLWZATRB2Ufaghrq
Podcast la good vibe only
Les origines du féminin sacré (le mouvement de la déesse et l’écofeminisme)
https://open.spotify.com/episode/3Ivn6mNIBprDu3J1iYBapc
Podcast la good vibe only
Le cacao sacré : l’histoire d’une appropriation
https://open.spotify.com/episode/3b1aLuhLooYEDhbBwmEYj3?si=b431f00398734ad9
Série de rencontres pour mieux comprendre les enjeux de l’appropriation culturelle dans le milieu du bien-être.
https://www.jamaril.com/soinsautochtones
https://www.jamaril.com/soinsautochtones2
Podcast Kiffe ta race
#86 @decolonisonsnous : la lutte connectée
https://open.spotify.com/episode/3JmTxW8LnbR8Ku7ZEl8QsO?si=I2LD6GsYTGOLWg2db_8OAA&dd=1
Podcast Un podcast à soi
Femmes noires et flamboyantes
https://open.spotify.com/episode/20f3t4C4tptarUfVtZxaoc?si=5bf5fd8c93fe42a8
Emission de radio : on dira ce qu’on voudra
La place des Autochtones dans les médias : un petit guide
En espagnol:
Podcast : The end of tourism
S2 #6 Identidad, apropiación cultural y peregrinaje entre culturas.
https://open.spotify.com/episode/19HGSanXJrGYjlambM87NU?si=910acc076a1d4eaa
Podcast : the end of tourism
S2 #2.1 Defendiendo tierra y cultura del turismo psicodélico
https://open.spotify.com/episode/3mfsNqgmS4PPXtbxU82foM?si=6ef85030b8764636
En anglais :
Podcast : The end of tourism
S1#12 Neoshamanism, Burning Man, scorched earth tourism
https://open.spotify.com/episode/2BgryUwxUhZ5xXcRylAHtQ?si=fa89b819d2374738
Podcast : Go smudge yourself, The landback podcast
#8 Are you a white ally o a white saviour ? Let’s find out !
https://open.spotify.com/episode/1QX5oVrvqIseflZBP2Bg4m?si=NGHb2SKeQd-ILuZsMD00dA
Podcast : Go smudge yourself, The landback podcast
#11 10 steps to start you decolonize journey part 1
https://open.spotify.com/episode/1QX5oVrvqIseflZBP2Bg4m?si=b6c_bEPeQviGXJbv9fqZ7g&dd=1
Podcast : Go smudge yourself, The landback podcast
#12 10 steps to start you decolonize journey part 1
https://open.spotify.com/episode/7lH1KiBxhRDupDBRXtI9oz
Podcast : This land
#5 The land grab
https://open.spotify.com/episode/0rPQuxsjzi8olJCf3ghr5G?si=GgeEilp5SGOYdKZZfiEzsQ&dd=1
Podcast : Walk a good life with Dellmarie
Cultural appropriation
https://open.spotify.com/episode/1llxdr8AlS6GcSgRwQWBwP?si=358a32b4527d48f0
Podcast : Walk a good life with Dellmarie
Cultural appropriation II
https://open.spotify.com/episode/01LQDUgiLZUuNGYJIkP5Ze?si=b09b161b044f41a7
Podcast : Walk a good life with Dellmarie
Cultural appropriation III
https://open.spotify.com/episode/3jk9gaUsLmwINGQ27gMAEu?si=299f54287acf4bb4
________________________________
Articles
Article universitaire :
Article universitaire sur l’exotisme religieux et la notion de bricolage
Véronique Altglas, « Exotisme religieux et bricolage », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 167 | juillet-septembre 2014, mis en ligne le 20 octobre 2017, consulté le 12 mai 2023.
http://journals.openedition.org/assr/26229
Article universitaire sur l’étude du new age
Véronique Altglas, « Matthew Wood, Possession, Power and the New Age: Ambiguities of authority in Neoliberal Societies », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 142 | avril-juin 2008, document 142-64, mis en ligne le 26 novembre 2008, consulté le 12 mai 2023.
http://journals.openedition.org/assr/16223 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.16223
Article universitaire sur l’appropriation culturelle et la question des dominations raciales
Abdoulaye GUEYE, « Fassin, Didier & Fassin, Éric (dir.). – De la question sociale à la question raciale », Cahiers d’études africaines [En ligne], 196 | 2009, mis en ligne le 08 décembre 2009, consulté le 12 mai 2023.
http://journals.openedition.org/etudesafricaines/14090
Article universitaire sur les rapports de dominations
Maxime Cervulle. « La conscience dominante. Rapports sociaux de race et subjectivation », Cahiers du Genre, vol. 53, no. 2, 2012, pp. 37-54 https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2012-2-page-37.htm?contenu=resume
Article sur la conditions et la réalité politique des autochtones du Mexique
Akuavi Adonon, « Le droit étatique mexicain et les populations indigènes : fonction de reconnaissance ou fonction d’intégration », Droit et cultures [Online], 56 | 2008-2, Online since 03 February 2009, connection on 17 May 2023. http://journals.openedition.org/droitcultures/187 ; DOI : 10.4000/droitcultures.187
Loi sur la protection du patrimoine culturel des autochtones
Ley Federal de Protección del Patrimonio Cultural de los Pueblos y Comunidades Indígenas y Afromexicanas (publicado en el Diario Oficial de la Federación el 17 de enero de 2022)
https://www.wipo.int/wipolex/fr/text/584474
Article de presse françait:
Appropriation culturelle : https://www.paulemagazine.com/societe/appropriation-ou-appreciation-culturelles-une-question-de-bon-sens-et-de-respect/?fbclid=PAAaZyhKd0thROwEdQUZyfmXRyF1Boq-4GMNPfilwuYnTnjv_PkZp75z37fCk
Ressources sur les plantes et la colonisation : https://histoiresnat.hypotheses.org/1694
Concept de blanchitude : https://liguedesdroits.ca/lexique/blanchite-ou-blanchitude/
Privilège blanc : https://liguedesdroits.ca/lexique/privilege-blanc/
Privilège blanc https://www.radiofrance.fr/franceculture/privilege-blanc-origines-et-controverses-d-un-concept-brulant-2999751
Suprématie blanche ou domination blanche : https://liguedesdroits.ca/lexique/suprematie-blanche-ou-domination-blanche/
Dérives du coaching : https://www.lebonbon.fr/paris/societe/industrie-bien-etre-coaching-de-vie
Article en Anglais
Article sur l’appropriation culturelle
https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2018/05/cultural-appropriation/559802/
https://dismantlemag.com/2020/03/16/cacao-ceremony-latest-trend-new-age-consumer-spirituality/
Article sur le colonialisme et la naissance du racisme:
Dan Wood, Descolonizar el conocimiento: una mise en place epistemográfica, Villanova University, Estados Unidos, Tabula Rasa, núm. 27, 2017, Universidad Colegio Mayor de Cundinamarca, Recepción: 13 Mayo 2016
Article sur la spiritualité blanche :
Lucia, Amanda. “Representation and Whiteness among the ‘Spiritual but not religious’.” Canopy Forum, September 24, 2020. https://canopyforum.org/2020/09/24/representation-and-whiteness-among-the-spiritual-but-not-religious
Article expliquant la nécessité d’un processus de décolonisation
Article sur les mouvements “Landback”
https://www.straight.com/news/david-suzuki-indigenous-land-back-movement-charts-better-way-forward
https://www.cbc.ca/radio/unreserved/land-back-movement-to-reclaim-indigenous-land-grows-1.5891912
Article sur le spiritual bypass :
Clayton, I. Beware of Spiritual Bypass. Psychology Today. October 2 2011.
https://www.psychologytoday.com/us/blog/the-empowerment-diary/201901/what-is-spiritual-bypassing
Article sur l’exploitation des ressources liées à la spiritualité blanche et newage.
Peyote: https://www.wixarika.org/big-business-could-wipe-out-mexicos-sacred-psychedelic-peyote-cactus
Sauge blanche :
https://www.nytimes.com/2019/12/16/style/self-care/palo-santo-wood-endangered.html
https://the-ard.com/2021/05/06/preserve-palo-santo-and-white-sage-anti-racism-daily/
Proposition de loi au Mexique
La loi marco pour la pratique de la médecine traditionnelle au Mexique: https://www.gob.mx/cms/uploads/attachment/file/38477/LeyMarcoMedicinaTradicional.pdf
________________________________
Livres en français
Aline Mercan, Manuel de phytothérapie écoresponsable : se soigner sans piller la planète, terre vivante, 2021
Marcel Grondin, Moema Viezzar, Génocide des Amériques résistance et survivance des peuples autochtone, écosociété, 202
Guillermo Bonfil Batalla, Mexique profond: Une civilisation niée, zones sensibles, 2017
Camille Teste, Politiser le bien-être sur la table, Binge Audio Editions, 2023
Eduardo Galeano, Les veines ouvertes de l'Amérique latine, une contre-histoire, pocket, 1993
Carolyn Niethammer, Filles de la terre, Terre indienne, 1997
Maïka Sondarjee,Haroun Bouazzi, Perdre le Sud : décoloniser la solidarité internationale, Écosociété, 2020
Jeanne Burgart-Goutal, Être écoféministe : théories et pratiques, éd. L’Echappée, 2020
Rokhaya Diallo, Grace Ly, Kiffe Ta Race, First/ Binge Audio Editions, 2022
Françoise Vergès, Un féminisme décolonial, la fabrique, 2019
Sadri Khiari, Ngugi Wa Thiong’o, Décoloniser l’esprit, la fabrique, 2011
Deni Ellis bechard, Natasha Kanapé Fontaine, Kuei, je te salue - conversation sur la racisme, écosociété, 2017
Françoise Champion, Logique des bricolages : retours sur la nébuleuse mystique-ésotérique et au-delà, Recherches sociologiques, XXXV, 2004
Françoise Champion, La nébuleuse mystique-ésotérique : orientation psycho-religieuse des courants mystiques et ésotériques contemporains, Hervieu-Léger D. (éds.), De l’émotion en religion, Paris, Centurion, 1990
Livre en anglais :
Suprématie blanche :
Layla Saad, Robin DiAngelo , Me and White Supremacy: Combat Racism, Change the World, and Become a Good Ancestor, Sourcebooks, 2020
June Sarpong, The Power of Privilege: How white people can challenge racism, HQ, 2020
Exotisme religieux :
Véronique Altglas , 2014, From Yoga to Kabbalah: Religious Exoticism and the Logics of Bricolage, New York, Oxford Univ. Press.
Graham Huggan , 2001, The Postcolonial Exotic, Londres, Routledge.
Amanda J. Lucia, White Utopias The Religious Exoticism of Transformational Festivals, 2020
Spiritual bypassing :
John Welwood, Toward a Psychology of Awakening, Boston, MA: Shambhala Publications, 2000.
Spiritualité blanche:
Alex Mikulich, Unlearning White Supremacy: A Spirituality for Racial Liberation, Orbis Books, 2022
________________________________
Vidéos, documentaires :
Sur les autochtones de l’île de la tortue https://ici.radio-canada.ca/info/videos/1-8695085/parole-autochtone-277-laissez-nous-raconter-une-serie-tele-a-voir
Sur la sauge blanche https://vimeo.com/694109001
L’envers du décors des cristaux https://www.youtube.com/watch?v=yL3-lkae48w
Crédit :
Herbergé par Ausha podcast
Visitez ausha.com/privacy pour plus d’informations
Ecriture, réalisation et narration : Camille Pelloux
Illustration : Carlos Vazquez Ruckstuhl
Générique : Hit on me I Audiohub
Retranscription - partie 1
Des Racines Naissent les Fleurs, un podcast de Camille Pelloux pour un art de vivre et une spiritualité simple, enracinés avec la terre et ancrés dans nos quotidiens.
Bonjour à toutes et à tous, bienvenue, je suis ravie de vous retrouver pour le deuxième épisode du podcast Des Racines Naissent les Fleurs.
Alors aujourd'hui, nous allons suivre la lignée du dernier épisode et nous allons donc continuer à défricher le terrain de nos spiritualités modernes, du monde du bien-être et des médecines naturelles aujourd'hui. On va tenter d'émettre des critiques constructives, essayer de partager des pistes de réflexion afin de faire évoluer nos pratiques et refonder nos façons de faire. On va semer des graines, repenser nos arts de vivre et nos spiritualités. Dans cet épisode, nous parlerons de thématiques sensibles, comme celles du tourisme spirituel et psychédélique, de l'exotisme spirituel, du néocolonialisme et de l'appropriation culturelle qui sévit dans nos milieux. On abordera également les notions de privilèges, on soulignera le manque d'inclusion parfois, et on partagera la notion de contournement spirituel. On balayera également la thématique, la terminologie de spiritualité blanche et de tous les travers qu'elle peut entraîner. En gros, ce qu'on va essayer de faire, c'est de rappeler la nécessité de simplifier nos pratiques et de décoloniser nos façons de faire. Vraiment, je vais essayer de ne pas être simplement dans la dénonciation, mais plus d'apporter des pistes pour qu'on grandisse ensemble.
Alors cet épisode s'adresse à la fois aux entrepreneurs du bien-être et aux entrepreneuses du bien-être, aux thérapeutes, praticiens de la relation d'aide, mais aussi tout simplement aux personnes qui s'intéressent au chamanisme, à la naturopathie, au féminin sacré, au développement personnel, à l'ésotérisme, et voilà, à la spiritualité en général, toutes celles et ceux qui se sentent attirés, inspirés par ces univers.
Alors ces sujets que l'on va aborder, ce sont des sujets qui sont difficiles. Ce ne sont pas des thématiques aisées, et cela va sûrement vous confronter, faire ressortir des inconforts, et sachez que c'est tout à fait normal. J'en suis par avance désolée, mon but c'est de nous ouvrir les perspectives et de nous faire grandir en conscience, nous faire prendre du recul, pour faire émerger des propositions, afin qu'on évolue ensemble. Je sais que dans nos milieux, parfois, il est difficile d'accueillir les travers un peu plus épineux et incommodes. Et on a tendance à marcher sur le chemin du contournement spirituel.
Alors le contournement spirituel, c'est une terminologie qui nous vient de l'américain, alors je vais donner le nom en anglais, mais ne vous moquez pas, mon accent anglais est très mauvais : c'est le spiritual bypass, un terme qui a été créé par John Welwood dans les années 80, et qui signifie que parfois on peut avoir tendance à utiliser le spirituel pour éviter d'affronter les problèmes. On peut utiliser des idées et des pratiques spirituelles pour contourner des affaires personnelles, émotionnelles et globales qui ne sont pas achevées afin de consolider un sentiment de sécurité et de minimiser les besoins, les sentiments, les tâches de développement. Donc en gros, on peut éviter les problèmes personnels, qui peuvent traverser nos vies intimes, mais aussi les problèmes sociétaux, qui peuvent traverser la vie de nos communautés en utilisant le prétexte du spirituel.
Alors comme le but, ce n'est pas de nous faire du mal et de nous flageller pour nous flageller, mais c'est d'évoluer en fait, il est nécessaire de créer un certain cadre et de cultiver un espace intérieur qui vous permet de sentir de la sécurité, des ressources, en quelque sorte apporter de la douceur dans ce processus qui n'est pas évident, et prendre soin de vous. Alternez avec des balades en nature, des séances de connexion au corps grâce au massage, des bains, des douches avec des plantes, des méditations de conscience corporelle et tous les outils que vous pouvez avoir pour vous sentir plus en sécurité. Parce que vous allez voir que des émotions comme de la honte, de la culpabilité, la colère, des sentiments d'injustice, peuvent se réveiller. Comment puis-je les accueillir ? Et comment je peux en prendre soin ? Comment je peux les affronter ? Comment je peux transformer ces émotions et les utiliser pour transformer mes manières de faire ?
Alors pourquoi ce podcast est au cœur de l'actualité, et pourquoi j'ai eu envie de faire ce partage ? Alors déjà si on se balade dans les rayons des librairies, qu'on regarde les couvertures des magazines, qu'on déambule sur les réseaux sociaux, on voit émerger une multitude de pratiques reprenant des codes, des symboles, des mots, de cultures qui ne sont pas les nôtres, qui souvent viennent de peuples et de terres qui ont été colonisées, dont les ressources ont été exploitées. Des peuples qui ont été décimés, violentés, exterminés, maltraités, et qui appartiennent à des historiques de colonisation, d'esclavagisme par exemple, donc qui appartiennent à notre histoire, mais en fait, la problématique, c'est que ces dynamiques, elles continuent, quelque part, encore.
Depuis le printemps 2020, depuis le mouvement Black Lives Matter, on voit émerger et prendre la parole des mouvements anticoloniaux, antiracistes. Et il y a de plus en plus de dénonciations vis-à-vis de dérives, de manques d'inclusion, d'exploitation des ressources, des images, des dérives d'appropriation culturelle. Et tout cela dans le monde de la spiritualité et du bien-être aussi. Ce qui est ressenti, c'est comme une libération d'une mémoire collective, d'une mémoire collective qui est conscientisée et qui réveille tout un tas de sentiments de colère, d'injustice, de rage et un ras-le-bol. Donc nous sommes, selon moi, dans une période charnière pour construire une nouvelle dynamique sociétale et poser de nouveaux jalons pour nos pratiques également, dans le milieu de la spiritualité, du bien-être, des médecines naturelles, etc.
Pourquoi personnellement j'ai été poussée à proposer ce podcast ? D'une part, c'est mon état intérieur, mon état intérieur depuis plus d'un an. Et tout ce chemin personnel que j'ai pu faire par rapport à ces problématiques dont on va traiter pendant ce podcast, avec des vrais sentiments d'avoir besoin de mettre tout en pause, de désapprendre, de réapprendre. Et aussi parce que dans mon parcours de vie, donc dans mon histoire et mon éducation, dans les choix que j'ai pu faire, dans ma spiritualité, dans les choix que j'ai faits professionnellement, notamment de la publication d'un livre, il y a deux ans, avec Hachette Marabout, qui a vraiment été très... qui a suscité beaucoup, beaucoup, beaucoup de conflits intérieurs par rapport à tout ce dont on va parler. Et par rapport au fait que, depuis 2019, j'habite en partie au Mexique, dans une région qui est très touchée par cette problématique dont on va parler pendant le podcast, avec mon compagnon mexicain, et donc je suis comme aux premières loges. Et le fait de vivre sur place, ça m'a permis aussi de me rendre compte, d'apprendre et donc j'ai envie aujourd'hui de partager toutes ces conclusions et tous ces rassemblements d'informations qui peuvent être utiles.
Sachez que tout ce dont on va parler ça me met extrêmement mal à l'aise et je suis encore en chemin sur certains éléments parce que c'est compliqué de se déprogrammer et c'est compliqué d'entamer un chemin de guérison. Et du coup, je ne me pose pas du tout en toute puissance, en sachante, en donneuse de leçons. J'ai envie surtout de lancer la conversation. J'ai envie qu'on se questionne ensemble et qu'on grandisse ensemble.
Alors avant qu'on rentre dans le vif du sujet, j'ai envie de rappeler que mon analyse, elle est forcément teintée de mon prisme. J'ai essayé d'être le plus neutre possible, mais il y a indubitablement des réflexions qui sont nourries par mes expériences et ce que j'ai eu à travailler personnellement et les repères qui sont les miens. J'ai encore de l'émotion parfois sur certaines thématiques et je ne suis pas sociologue, je ne suis pas experte, je ne suis pas politologue. Donc si vous avez envie d'émettre des corrections, des suggestions et enrichir mes propos, n'hésitez pas avec bienveillance à m'écrire sur Instagram en message privé.
Alors pour placer le contexte, parce que c'est nécessaire que vous sachiez d'où je parle, je suis blanche, aux yeux bleus, je suis originaire d'un village des Alpes françaises, d'où proviennent toute ma lignée maternelle et une grande partie de ma lignée paternelle, depuis de nombreuses générations. Et je viens d'un milieu socio-économique qui est privilégié. J'ai des parents qui sont commerçants et minéralogistes, c'est pour ça que la thématique de l'extractivisme et du néocolonialisme et de la lithothérapie, je la connais bien et je peux vous en parler d'une manière assez critique et depuis l'intérieur. Moi, je suis aussi, avant d'être naturopathe, autrice, herbaliste et artiste. Je suis aussi titulaire d'un master en économie internationale, j'ai fait une prépa HEC, j'ai fait une grande école. Donc tout ce qui est de plus privilégié. On va dire que mes études, elles m'ont fait baigner dans le milieu du capitalisme, du patriarcat et d'une idéologie de croissance. J'ai baigné là-dedans et puis comme je ne m'y retrouvais pas, j'ai très vite bifurqué vers la médecine traditionnelle européenne, les plantes et l'art, puisque c'est ce qui m'habitait depuis enfant. Mais quelque part, j'ai quand même été et pénétré dans le cœur du système et donc c'est aussi pour ça que je peux me placer d'un endroit où je connais un petit peu aussi les discours on va dire, la programmation dans laquelle on peut baigner quand on fait ce genre d'études. Et je connais bien aussi le rouage du monde patriarcal et capitaliste parce que mon dernier livre a été publié par une grande maison d'édition qui a des pratiques bien ancrées dans le monde que je vais critiquer ici et qui éthiquement est très limite sur les thématiques d'appropriation culturelle, d'exotisation et d'extractivisme, et très limite aussi sur la manière de gérer les ressources humaines, et dont les auteurs et les autrices.
Alors ce que je veux vous dire, c'est que moi je suis consciente de mes privilèges, c'est pas facile de les voir, mais j'ai l'impression que ce que je peux faire de mieux, c'est depuis mon privilège, partager mes prises de conscience et essayer de m'engager pour plus d'égalité.
Alors, moi, en vivant dans la région de Oaxaca, au Mexique, qui est une région qui a été résistante face à la colonisation, donc c'est une région qui est peuplée, on va dire, de communautés autochtones, et bien que la population d’autochtones au Mexique, elle ne représente aujourd'hui plus que 10% de la population totale, à peu près 10 millions de Mexicains autochtones, eh bien à Oaxaca, on va dire que les autochtones sont encore en majorité. Alors du coup, moi, la huera, comme on m'appelle, aux yeux bleus, dans ce contexte-là, et dans un contexte de ras-le-bol de la part des communautés locales, d'avoir une dynamique de néocolonialisme qui continue, d'avoir des arrivées massives d'étrangers ou de Mexicains plus riches, face à cette nécessité de résister, et bien il y a une augmentation de la xénophobie, il y a une augmentation aussi d'une discrimination envers les blancs, que je comprends, mais en fait ce que j'ai pu expérimenter, c'est le fait d'être une minorité et le fait de sentir que j'étais traitée différemment par rapport à ma couleur de peau, sans prendre la peine de connaître mon histoire, de connaître mes réflexions, mes prises de position, mon contexte socio-économique et politique. Donc je me suis posé la question, pourquoi on en est arrivé là et pourquoi en fait les natifs, ils sont poussés à appréhender l'étranger, le blanc, comme quelqu'un de toxique, ou parfois même comme quelqu'un de supérieur, donc c'est soit l'un, soit l'autre. Et en tout cas, il n'y a quand même pas, moi je n'ai pas un sentiment d'égalité, et ça m'a posé beaucoup d'inconfort en fait, et ça m'a menée à m'éduquer sur l'histoire, à mieux comprendre les rouages du colonialisme, ses conséquences, et de comprendre l'origine du racisme et du privilège blanc, et de comprendre qu'on continue à perpétuer une histoire qui a été douloureuse. Alors moi, je ne me pose pas du tout en victime dans cette histoire. C'est simplement que ce que je voulais dire, c'est que ces sentiments que j'ai pu ressentir d'injustice, d'être jugée sur une apparence et d'être traitée différemment par rapport à cela, ça m'a fait me mettre aussi dans la peau sur ma terre européenne, en France, ça m'a fait me mettre dans la peau un petit peu des personnes qui peuvent être victimes de racisme et de discrimination. Et en fait, je me suis dit que moi je ne me rendais pas compte avant de ce racisme systématique qui existait dans nos sociétés parce que j'étais dans mon pays et dans ma région en plus dans un village des Alpes je faisais partie de la majorité et j'étais en fait, la “légitime”. Et donc, quelque part, ça m'a fait aussi me positionner davantage dans mes pratiques et ça m'a donné envie de partager avec vous tout ce dont on va aborder aujourd'hui.
Pour moi, ce podcast il marque aussi un virage dans ma pratique professionnelle et dans mon positionnement politique et j'ai vraiment l'envie et l'appel d'avoir une pratique plus inclusive, plus éthique, plus féministe aussi. Alors évidemment, c'est un long chemin et je ferai encore certainement des erreurs. Mais cette dynamique d'évolution et cette envie, elle est là.
Donc, je ne me pose pas en donneuse de leçons parce qu'il y a beaucoup à commenter. Mais on va dire que j'ai cette envie de partager avec vous.
Alors, je vous ai préparé un bon nombre de références qui vont être annexées à ce podcast. Des articles de presse, des articles universitaires, des podcasts, des vidéos, des livres, pour continuer à apprendre, désapprendre, avancer vers des pratiques plus justes. Comme je ne suis pas experte, si vous avez envie d'enrichir et d'approfondir vos recherches, vous pouvez vous adresser à ces sources.
Alors j'ai construit le podcast de la sorte : j'ai essayé de décrire les termes qui sont décriés aujourd'hui, qui sont utilisés pour critiquer et exprimer les dérives qu'on peut observer. Et je les ai mis, ces termes, en relation avec ce qui se passe dans le monde du spirituel, du bien-être et du tourisme. Et j'ai essayé ensuite d'apporter des pistes de réflexion pour transformer nos manières de faire. Alors comme ce podcast, il est long, je vais le couper en deux parties afin que ça soit plus digeste. N'hésitez pas à y revenir.
La première thématique qu'on va aborder, c'est celle de l'appropriation culturelle. Alors l'appropriation culturelle, on en entend beaucoup parler et ça suscite beaucoup de débats et d'incompréhensions parfois. Donc j'ai envie de replacer cette terminologie, replacer le contexte et aussi vous dire que cette thématique de l'appropriation culturelle, moi je baigne dedans à Oaxaca, parce que c'est un État qui est extrêmement riche en artisanat, qui est extrêmement riche en savoirs ancestraux, et quelque part, on voit arriver une vague de personnes ou d'entreprises qui vont profiter de cet esthétisme, et de ces symboles, et de cette ancestralité, pour les marchandiser, en fait. Donc cette problématique, j'ai essayé de l'étudier. Et je vous ai mis d'ailleurs aussi des podcasts en référence en espagnol, si jamais vous écoutez l'espagnol, parce qu'effectivement, comme c'est une thématique qui est très chaude là où je suis, il y a aussi beaucoup de ressources pour mieux comprendre ce phénomène.
L'appropriation culturelle, c'est l'usage par les membres d'une culture dominante – ça c'est un point important, le fait que ce soit l'usage par une culture dominante – d'éléments culturels produits par les membres d'une culture dominée. Les éléments empruntés sont considérés par la culture dominée comme vidés de leur sens originel et réduits à une valeur esthétique, folklorique et économique.
Ce concept fait objet de plein de controverses, donc on va comprendre pourquoi. Cette appropriation culturelle, c'est-à-dire cette appropriation d'éléments culturels par une culture dominante, c'est quelque chose qu'on observe énormément aujourd'hui sur les réseaux sociaux, dans le milieu de la spiritualité et du bien-être. Je vous donne un exemple, par exemple, utiliser le dreamcatcher en France par une personne blanche qui n'a jamais mis les pieds, ni rencontré, ni partagé avec un des membres des Premières Nations et qui va utiliser ce symbole pour vendre un atelier sur Instagram. Alors, il y a beaucoup de débats autour de l'appropriation culturelle parce que beaucoup disent que, en fait, l'histoire de l'humanité, elle est construite autour des échanges culturels et que, justement, beaucoup de nos arts classiques sont, en fait, issus des mélanges culturels. Par exemple, l'échange entre l'Égypte et la Grèce, la Grèce et Rome, etc., etc. Alors, c'est vrai qu'il y a aussi une histoire de colonisation entre ces territoires, parce que les Romains ont colonisé la France et donc pris la domination sur les Celtes. Et les Celtes, avant les Romains, avaient colonisé des territoires, par exemple français, espagnols... Donc on a ces échanges interculturels qui font partie entière de l'histoire de l'humanité, de la même manière que les histoires de migration. Le problème, en fait, de fond, ce n'est pas l'échange culturel, mais c'est plutôt le fait que l'emprunt entre les cultures, il s'inscrit dans un contexte de domination. Il y a comme toujours dans ce geste d'emprunt, un rapport de force cachée qui montre l'inégalité entre les deux cultures. Il y a toujours un rapport d'oppression et souvent, quelque part, ce rapport de force, il trouve son origine dans l'histoire, donc dans la colonisation, dans l'esclavagisme, dans la domination politique. Et en fait, c'est un schéma qui se répète. Et parfois, c'est maladroit, on ne s'en rend même pas compte. Comme nous, on fait partie d'une culture dominante, eh bien on a comme oublié qu'il y avait eu des dominations et que nous, en faisant ces gestes-là, en fait, on perpétue un schéma. On va dire que l'appropriation culturelle s'inscrit donc dans un schéma de colonisation, on pourrait appeler ça aussi la colonisation culturelle, et cette colonisation culturelle, on la retrouve aussi dans l'art. Par exemple, Picasso, à un moment donné de sa carrière, il s'est inspiré beaucoup de l'esthétique africain, et ça a fait beaucoup de polémiques. Alors, l'appropriation culturelle, il faut la différencier de la thématique d'appréciation culturelle. Et l'appréciation culturelle, elle est différente, parce qu'en fait, il n'y a pas de contexte de domination, il n'y a pas d'exploitation, il n'y a pas de décontextualisation, et il y a un respect des codes culturels, dans le but de connecter et échanger avec la population locale. Je vous donne un exemple d'appréciation culturelle : par exemple, je suis naturopathe, praticienne en médecine traditionnelle européenne, je suis une cueilleuse de plantes de ma région alpine, je connais des plantes les plus courantes pour prendre soin et préparer des remèdes maison à base de ces plantes, si je me rends chez une curandera traditionnelle, une guérisseuse praticienne en médecine traditionnelle mexicaine ou oaxacanienne, et qu'on commence à échanger sur nos usages respectifs des plantes, si elle me raconte comment elle utilise cette plante en bain, en onguent, en tisane, et que moi je lui raconte comment j'utilise mes plantes, et qu'on fait des parallèles entre eux et des ponts entre nos pratiques, et qu'on est sur une base d'égalité et d'échange.d'information, je ne suis pas dans une pratique d'appropriation culturelle, je suis dans une pratique d'appréciation culturelle, de l'échange. Il n'y a pas de rapport de domination, moi je ne suis pas là pour lui prendre de l'information sans rien lui donner et je ne suis pas en train d'utiliser son savoir. De la même manière, si vous êtes invité à une fête traditionnelle dans une communauté où vous êtes invité et que l'on vous convie à mettre un costume traditionnel pour respecter les codes vestimentaires, le fait de mettre cet élément, ce n'est pas de l'appropriation culturelle.
Alors, il y a beaucoup de débats. Alors nous, par exemple, moi, j'en suis venue à un point que parfois, cette question est tellement présente que quand je suis à Oaxaca, je n'ose même plus acheter des huipils, donc des vêtements traditionnels, et je n’ose plus les mettre. En écoutant un des podcasts que je vous ai mis dans la bibliographie, la thématique elle est abordée, et c'est vrai qu'à titre individuel, si ce huipil, je l'achète à une artisane qui l'a fait main et qui a mis beaucoup de temps et d'amour, c'est tout à fait valable de la rémunérer, d'acheter ce vêtement et de l'utiliser dans son cadre personnel sans l'utiliser, par exemple, pour vendre quelque chose. Ce serait différent si j'utilisais par exemple ce huipil pour faire une série de photos et ensuite vendre un produit. Mais si j'utilise ce huipil parce que je le trouve beau, pour un repas de famille, etc., il n'y a pas de problème. Donc la nuance, elle est vraiment dans la commercialisation, l'utilisation d'outils, de symboles, et dans une relation de domination.
Alors c'est aussi intéressant de comprendre que l'appropriation culturelle, elle est liée à la notion d'exotisme, d'exotisation, de romantisation. Ça veut dire que parfois on extrait un seul élément de la culture parce que ça nous paraît exotique, vendeur, esthétique, en lui coupant tout son sens symbolique, spirituel, contextuel, politique. Et c'est là où quelque part c'est dérangeant. aussi. Donc attention à jouer sur l'exotisation des symboles parce que effectivement aujourd'hui c'est la mode, ça fait vendre et moi je peux vous dire que par exemple avec ma maison d'édition ça a été la grosse problématique la première maquette qu'ils m'ont proposée et puis même l'esthétique qui a suivi, c'était bourré d'appropriation culturelle et d'exotisation et moi je voulais rompre le contrat tellement ça m'a mis mal à l'aise et j'étais emprisonnée dans cette dynamique-là.
Donc, cette appropriation culturelle, elle est liée à ce dont on a parlé dans le premier podcast, qui est l'extractivisme. Donc, c'est le fait de se servir, se servir d'éléments culturels, se servir d'éléments de ressources naturelles, sans retour et dans une démarche de domination. Alors moi aussi, j'ai eu des pratiques d'appropriation culturelle, clairement, par effet de romantisme. Moi aussi, j'ai exotisé ou j'ai été attirée par un sens esthétique. Et donc, je me suis rendue compte des privilèges et de ma programmation coloniale. Et du coup, j'ai essayé de me repositionner par rapport à ça.
Alors j'espère que vous avez mieux compris cette notion d'appropriation culturelle. Et on va reparler un petit peu des outils pour enlever cette manière de faire de nos façons de faire, entre guillemets, quand je vais parler un petit peu plus loin dans le podcast de comment décoloniser nos pratiques.
Alors maintenant, on va passer à une autre thématique qui est essentielle, c'est le fait que nos pratiques spirituelles, de développement personnel, de bien-être, d'ésotérisme, de médecine naturelle, eh bien, elles sont bien souvent réservées à des privilégiés et elles génèrent des conséquences sociétales et économiques.
Alors, je vais d'abord commencer par définir certains termes qui sont beaucoup utilisés dans les luttes antiracistes aujourd'hui, pour qu'on comprenne de quoi on parle.
Le premier élément, c'est le mot privilège. Le mot privilège, il n'est pas facile à accepter. Il fait débat, mais moi, il me semble extrêmement important de l'accueillir. Le privilège, c'est le fait d'avoir un avantage, une faveur, par simplement un choix arbitraire, une situation ou une circonstance particulière. Donc dans le contexte de ce podcast, ce serait plutôt un privilège lié à la couleur de peau, lié à un milieu socio-économique, lié à un pays d'origine, lié à un pouvoir économique grâce à une monnaie plus forte. Donc par exemple, moi je suis privilégiée à Oaxaca parce que j'ai un passeport français, parce que je suis blanche aux yeux bleus et que dans la société coloniale, les blancs étaient plus importants, mieux vus et avaient plus de valeur que les autochtones. Et j'ai une monnaie qui a un pouvoir économique supérieur au pesos. Mais dans un autre contexte, le privilège pourrait aussi être attribué à d'autres éléments.
Alors ça me fait basculer vers une autre notion qui est extrêmement polémique, c'est la notion de privilège blanc. Alors le terme privilège blanc, il fait polémique notamment parce qu'il provient des États-Unis, au moment de la ségrégation, et c'est notamment Théodore William Allen — encore une fois, ne vous moquez pas de mon accent anglais terrible – qui parle de white privilege et qui donc parle du fait que le fait d'être blanc entraîne des bénéfices dans la société naturellement.
Alors, il y a un autre terme dont j'avais envie de parler, et ça, c'est un point hyper important dans le mécanisme de colonisation, décolonisation et donc de nos pratiques. C'est le terme de blanchéité, ou aussi appelé blanchité, whiteness en anglais. Et c'est un mot qui est important parce que ça distingue le simple fait d'avoir la couleur de peau blanche. En fait, la terminologie blanchéité ou blanchité, elle fait référence plutôt à des conditions sociales historiquement construites. Et ce n'est pas simplement le fait d'avoir une couleur de peau ou un type corporel défini, mais c'est plutôt le fait de... Ça renvoie en fait à l'hégémonie sociale, culturelle et politique blanche à laquelle sont confrontées les minorités ethno-raciales. Alors on peut tout à fait être une personne racisée et avoir intériorisé le fait que tout ce qui tourne autour du blanc, donc l'hégémonie sociale, culturelle et politique, elle est mieux. – Ça, on en reparlera quand on va parler des processus de décolonisation. – Donc ça, c'est important parce qu'en fait, on a essayé, avec la colonisation, d'infuser dans les territoires qui ont été colonisés le principe que tout ce qui tourne autour de notre patrimoine social, culturel et politique, est mieux que ce qui existait déjà sur les terres qui ont été colonisées. Et donc ça, ça perdure aujourd'hui encore.
Donc ça me fait basculer sur un quatrième concept, qui est celui de spiritualité blanche. Alors la spiritualité blanche, on pourrait la définir comme un ensemble de pratiques spirituelles, effectué par des personnes appartenant à la culture dominante ou des personnes “blanchisées”. Donc ça peut être tout à fait aussi des personnes de couleur qui se sont blanchisées. Et on y retrouve un racisme systématique et un environnement non inclusif.
Alors ce racisme systématique et cet environnement non inclusif dans la spiritualité blanche, on peut le retrouver dans des communautés digitales, donc par exemple sur Instagram ou des réunions Zoom, mais elles peuvent aussi être retrouvées dans des communautés physiques, donc des événements, des festivals par exemple.
Alors en plus de cela, dans le milieu de la spiritualité blanche, on peut observer de nombreuses manifestations d'appropriation d'aspects symboliques qui appartiennent à des cultures qui ont été dominées, donc de l’appropriation culturelle. Et on observe aussi une marchandisation et une capitalisation de ces dits symboles qui permettent de revendre une illusion d'une spiritualité au consommateur. Et donc, ces pratiques, elles se rattachent à une idéologie néocoloniale et capitaliste qui ont des conséquences désastreuses sur les terres, les ressources naturelles et les peuples d'origine.
Alors, par exemple, on peut penser à des festivals comme Burning Man. Bon, à la base, Burning Man, c'était une volonté de faire une expérience sociale, mais aujourd'hui, c'est tout à fait différent. C'est quand même un cercle réservé à une certaine élite. Et les conséquences de Burning Man, c'est qu'après le festival, pendant des semaines, le désert, il est dans un état absolument pitoyable, rempli de déchets. Et en général, il ne reste plus beaucoup de monde pour nettoyer ses déchets. Donc c'est ce qu'on peut retrouver aussi sur des festivals de yoga, des festivals comme Wanderlust aussi, ou des festivals de musique, par exemple. C'est aussi ce qu'on peut retrouver dans des cercles de cacao-cérémonie, par exemple.
D'ailleurs, pour parler de cacao-cérémonie, je vous invite à explorer le travail de Jenia. J'ai mis notamment dans le lien avec ce podcast le lien vers deux rencontres qu'elle a organisées avec Odile Tresch sur les savoirs autochtones. Elle est guatémaltèque, elle connaît bien la problématique du cacao et elle propose en fait des pistes de réflexion sur cela, mais aussi sur tout ce qui tourne autour du monde des doulas et du rebozo. Elle a aussi été invitée d'un podcast, le podcast qui s'appelle Good Vibe Only. Je ne l'ai pas encore écouté, mais je vous ai mis quand même le lien dans les ressources de ce podcast. Donc, Good Vibe Only, c'est un podcast aussi qui dénonce un petit peu toutes ces dérives qui ont été créées par Annabelle. Et donc, je vous invite à explorer encore ces termes-là si ça vous intéresse.
Bon, alors, je vais continuer mon exposé. Alors, pourquoi ces pratiques qui sont liées à la spiritualité blanche sont problématiques ? Pourquoi on observe une spiritualité et des offres qui sont adressées à des privilégiés ? Eh bien, on va parler maintenant d'un point important, c'est le fameux concept de la méritocratie. Donc la méritocratie, c'est le fait que cela signifie qu'avec notre force de travail et de volonté, notre capacité à attirer et manifester, et bien on peut gravir tous les échelons socio-économiques. Donc cela justifie quelque part des propositions de coaching, d'accompagnement, de retraite à des tarifs exorbitant. Et c'est souvent vraiment un des points clés de la spiritualité 2.0 qui appuie vraiment sur le concept de la loi de l'attraction, de si on veut, on peut. Sauf qu'en réalité, on s'aperçoit que l'accès à ce genre de niveau socio-économique ou ce genre d'événements, de propositions de retraite ou d'accompagnement, il est réservé à une partie de la population. En fait, il y a quand même une forme de mythe dans le principe de la méritocratie. Alors moi, j'étais une des premières à prôner la méritocratie parce que je suis une grosse bosseuse, je suis quand même une addict au travail. Mais en fait, j'ai quand même aussi sacrément privilégié. Donc, il y avait un biais ici cognitif. Et le mythe de la méritocratie, on sait aujourd'hui que ça reste un mythe, parce que finalement, il y a quelques exemples d'ascension sociale, mais ça reste des exemples extrêmement marginaux. Et en fait, selon notre régime social, ethnique, géographique, on n'a en réalité pas les mêmes cartes en main et pas les mêmes clés. C'est un idéal, la méritocratie, qui n'est pas forcément en corrélation avec les faits. Alors moi, je veux dire, j'ai un compagnon qui est mexicain, qui gagne des pesos et qui a un passeport mexicain. Eh bien, je peux vous dire qu'on a beau essayer la loi de l'attraction, il y a beaucoup de portes qui lui sont fermées. Et ce n'est pas que le simple fait de sa volonté. Moi, je me rends compte au quotidien aussi de cette inégalité-là.
Alors, d'après une étude de l’IPSOS qui a été faite en 2021 et qui a été publiée le 3 décembre, eh bien, 65% des Français estiment que la méritocratie, elle est mal défendue et soulignent l'importance du déterminisme social dans le parcours des individus. Il y a seulement 54% des Français qui ont le sentiment d'occuper une meilleure place dans la société que leurs parents. Donc, ça veut dire qu'on a aussi dans nos milieux un biais cognitif et on n'a parfois pas la notion qu'on n'est pas tous égaux à la base et qu'on ne va pas tous atteindre ces espaces avec la même aisance.
Il est vrai que la thématique de la tarification, ce n'est pas une chose aisée. Moi, je suis en perpétuel questionnement par rapport à cela. Quel tarif est juste pour à la fois rémunérer le travail, mais à la fois rendre accessible sur des pratiques en plus qui ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, etc. Moi, personnellement, j'ai essayé plusieurs modèles. J'ai essayé de faire des consultations assez chères, qui me paraissaient justes parce que je n'en faisais pas beaucoup, mais qui en même temps limitaient beaucoup l'accès. J'ai essayé de faire une tarification à prix libre, en conscience, et je me suis aperçue que ça ne fonctionnait pas non plus, parce que le tarif qui était proposé ou donné, la rémunération qui était donnée, ce n'était pas du tout proportionnel au niveau économique. Il y avait des personnes qui avaient un bon statut économique, avec des possibilités financières, qui ne donnaient pas plus que des personnes à faible revenu. Et du coup, moi, je me retrouvais en fait avec un sentiment d'épuisement, puisqu'en fait, je n'avais pas l'impression d'être rémunérée justement par rapport à ce que je proposais en termes de qualité, en termes d'investissement. Du coup, ça ne fonctionne pas non plus. Donc maintenant, je me suis dit, je vais fixer un prix par rapport à la quantité de travail que ça me demande. Et puis, je vais ouvrir la possibilité aux personnes qui n'ont vraiment pas les capacités de me contacter pour qu'on trouve un arrangement à titre particulier. Mais si vous avez des idées pour rendre plus inclusif, accessible et en même temps en gardant une juste rémunération, je serais ravie de discuter avec vous parce que moi je n'ai pas encore trouvé la manière correcte de le faire.
Et puis c'est pareil entre le fait de vivre au Mexique et de faire des consultations en pesos pour des locaux et le fait aussi de vendre des consultations et de proposer des propositions pour les Européens, les Français, j'ai aussi un gap en termes de tarification et je ne sais pas toujours bien comment gérer, communiquer sur tout ça. Donc si vous avez des clés, je suis ouverte à cela.
Donc ça me fait aussi rebondir sur une promesse qui est souvent inatteignable qu'on peut avoir dans le milieu du coaching, du développement personnel et une des raisons pour laquelle il y a eu des grosses augmentations de saisines de notamment ce que je racontais dans le premier podcast sur les dérives sectaires, c'est qu'il y a beaucoup de personnes qui ont investi beaucoup d'argent dans des coachings ou des accompagnements et qui n'ont pas ressenti le fait d'avoir atteint réellement la promesse. Parce que tout dépend d'où on part aussi. Et du coup, s'il n'y a pas d'inclusion, s'il n'y a pas de conscience du privilège, s'il n'y a pas de conscience des inégalités et du manque d'égalité à la base, eh bien, on peut entretenir des milieux qui vont être touchés par le racisme systématique et un manque d'inclusion.
Donc, comment est-ce qu'on peut rendre accessibles ces espaces-là ? Et comment on peut rendre safe et sécuritaire les espaces pour des personnes issues de minorités ethno-raciales, de personnes à faible revenu ? Comment on peut varier nos offres pour à la fois peut-être avoir des propositions qui soient accessibles et d'autres qui soient peut-être plus rémunératrices ? Ce sont des sujets complexes parce qu'en tant que praticien, bien qu'on travaille dans des univers de la relation d'aide, on doit aussi pouvoir vivre. Et comme on est dans des systèmes en France où on est un petit peu hors cadre conventionnel, eh bien, on n'a pas de remboursement. Alors il y a de plus en plus de mutuelles, par exemple, qui remboursent la naturopathie, et puis en Suisse, ça fait partie intégrante de la pratique, on va dire aujourd'hui, fédérale, mais c'est quand même des limites qu'on peut observer par rapport à nos pratiques.
Le troisième point que je vais développer, c'est celui du bricolage, bricolage spirituel. Le bricolage, c'est une terminologie qui a été mentionnée notamment en sociologie des religions par Lévi-Strauss, Roger Bastide, Thomas Luckmann.
Et ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a une différence fondamentale entre le bricolage spirituel qu'on va développer et le syncrétisme traditionnel qu'on retrouve beaucoup dans les pays qui ont été colonisés.
Alors, le syncrétisme traditionnel, c'est l'introduction de nouveaux éléments dans une religion ou dans une pratique spirituelle, parce qu'il y a un contexte particulier colonial et une hiérarchie des valeurs qui structure et qui conditionne les combinaisons possibles. Un des exemples très intéressants du syncrétisme, alors au Mexique, par exemple, il y a des manifestations de syncrétisme dans les pratiques spirituelles d'une manière très évidente. Par exemple, on peut voir la Guadalupe, Nuestra Señora de Guadalupe, on va dire une icône très présente au Mexique, donc c'est une Vierge Marie en fait. Et quand on regarde sa représentation, on voit des éléments comme des étoiles, la lune, des plantes. Et ce qui s'est passé, c'est que quand les colons sont arrivés, ils ont interdit les pratiques spirituelles des natifs. Et ils les ont obligés à la conversion catholicisme. Et donc une des manières qu'ont trouvé les natifs pour continuer leur pratique spirituelle, c'est d'incorporer les codes du catholicisme, mais tout en cachant qu'ils continuaient les cultes. Les analyses montrent que sous le culte de la Guadalupe, il y a en fait la continuité du culte à Tonantzin Tlali, qui est deidad, une déesse de la terre, pour les Mexicas. Et donc, quand les natifs n'ont plus eu la possibilité d'exercer leur culte, eh bien, ils ont passé leur culte sous le signe de la Guadalupe.
Il est très courant de trouver au Mexique et dans d'autres pays qui ont été colonisés, que les églises elles ont été construites sur les temples rituels. Et il a été retrouvé à l'intérieur de statues catholiques, des figurines ou des objets rituels préhispaniques. Donc, les natifs, ils ont continué à perpétuer leur croyance bien souvent des croyances animistes et polythéistes, sous le joug du catholicisme. Donc on a un sacrétisme là qui est très clair. Par exemple avec les Wixáritari, j'aurai l'occasion de vous en reparler juste après, mais j'ai eu l'occasion d'effectuer des rencontres, des cérémonies et des parties de pèlerinage avec une famille Wixáritari, donc de Huichol, pendant plusieurs années. Et on observe chez les Wixáritari qu'il y a eu un syncrétisme aussi, puisque les Wixáritari ils ont plus de 5000 ans d'existence, et aujourd'hui ils ont un culte qui a introduit la Guadalupe aussi. C'est très clair ce syncrétisme aussi chez eux. On voit aussi le symbole de la croix qui revient, alors même qu'ils ont encore leur culte et leur pratique animiste, et leur pèlerinage notamment avec la plante du hikuri, le “Peyote” (Lophophora williamsii).
Donc la grande différence entre le syncrétisme et le bricolage spirituel, c'est que le bricolage, en fait, c'est une pratique contemporaine qui s'approprie des ressources exotiques. Et on observe encore une fois une pratique de domination dans cet usage d'éléments symboliques appartenant à une spiritualité. Donc en quelque sorte, c'est un bricolage contemporain où on va se servir de certains éléments appartenant à une spiritualité et on va prendre ce qui nous arrange et on va dénoter, dénouer, retirer du contexte socio, culturel, politique, mythologique, cosmogonique.
Alors, cette notion de bricolage spirituel, elle est rattachée à ce qu'on peut appeler la spiritualité “New Age” aujourd'hui. Et je vais vous raconter une histoire qui symbolise très bien cette dynamique. Alors, lors d'une des rencontres que j'ai eues avec les Wixáritari, donc lors d'une cérémonie à Wirikuta, donc Wirikuta c'est le désert sacré où les Wixáritari se rendent et se rendent pour notamment récolter le peyote, donc le hikuri, et célébrer un certain nombre de rituels, offrandes et de fêtes cérémonies. Et dans une de ces cérémonies, il y avait un groupe très hétéroclite de personnes provenant d'Europe, de Canada, des États-Unis et aussi du Mexique qui représentent très bien cette notion de bricolage spirituel, parce qu'elles sont venues, ces personnes, avec tout un tas d'outils appartenant à des éléments de spiritualité distinctes, alors du palo santo, de la sauge, des huiles essentielles, de l'encens, des bols tibétains. Et pendant la cérémonie, qui commençait en fait à utiliser ces outils, mettre l'encens, mettre le palo santo, passer avec la sauge… Et chantaient des chants appartenant à des cultures différentes de la leur, dans des langues qu'elle ne comprenait pas, et sans incarner toute la signification de ces chants. Et comme j'avais déjà participé à des cérémonies, à une partie d'un pèlerinage avec les Wixáricas, d'une manière plus authentique, eh bien, pendant cette cérémonie-là, hétéroclite, moi je me suis personnellement sentie extrêmement mal à l'aise. J'avais comme envie de vomir, je me sentais mal et je me sentais en fait comme en insécurité. J'avais l'impression qu'il y avait comme plein d'éléments qui ouvraient des portes et qui polluaient l'espace. Alors, pendant la cérémonie, je suis allée voir le Marakame, Don Eugenio. Marakame, c'est le prêtre animiste, le gardien de connaissances de la culture Wixáritari. Et puis, je vais voir Don Eugenio et je lui dis, « écoute, je me sens mal » et je lui raconte ce que je ressens. Il m'a pris à part avec son sourire très caractéristique, parce qu'il ne prend pas beaucoup les choses au sérieux, en général, il répond avec des blagues et de l'humour. Et il me dit, « toi aussi, ça te dérange ? » Et on commence une conversation. Et en fait, dans cette conversation, il me fait comprendre qu'il observe comme une pièce de théâtre ce qui est en train de se dérouler, avec un esprit très critique, et qu'en fait, il ne donne pas tout ce qu'il a à donner. En fait, il laisse comme la scène de ce théâtre se dérouler sous ses yeux. Et quelque part, il y a beaucoup de praticiens traditionnels qui jouent même de ça, et qui vont juste faire payer les cérémonies et quelque part ne pas proposer forcément une cérémonie totalement authentique. Et ce qui est triste, c'est que cela révèle un manque de conscience et surtout un évitement de l'expérience, parce qu'il faut bien se remettre dans le contexte, on est dans un désert sacré, dans un lieu énergétiquement extrêmement puissant, avec une famille de Marakames, parce qu'il y avait aussi des enfants, le grand-père, une famille de Marakames authentiques, comme, tous les éléments pour vivre une expérience riche, profonde, et puis, de lâcher les armes et de laisser, quelque part, celui qui sait mener la danse. Et en fait, non : tout le monde venait avec son petit grain de sel et avait besoin de rajouter des artifices. Montrer qu'il savait, qu'il connaissait ce chant. Jouer au chamane avec sa sauge. Et donc il y avait comme un mélange qui était presque, pour moi, qui m'a généré beaucoup de colère et d'inconfort. Et voilà, ça c'est une traduction de ce bricolage spirituel. Et ce bricolage spirituel, il montre beaucoup d'ignorance et beaucoup de manque d'humilité, de méconnaissance et d'inconscience. Et donc, les praticiens traditionnels, beaucoup d'entre eux, on va dire, ont une vision très critique de cela. Certains le critiquent ouvertement, d'autres laissent faire ou profitent de ce tourisme spirituel pour se faire de l'argent. Mais c'est assez triste et je pense que c'est nécessaire d'en parler.
Alors là, je vous parle d'une cérémonie, mais il y a des endroits, des zones géographiques où on retrouve des rassemblements de personnes qui ont ce type de pratiques, qu'on appelle voilà le bricolage. Alors, par exemple, à Oaxaca, on en trouve beaucoup. À Mazunte, qui est un petit village de plage où il y a aussi une communauté de ce type-là. On retrouve dans le monde entier en fait aujourd'hui, des personnes attirées par ces pratiques-là. Et en fait, moi, c'est des endroits que je trouve absolument pas safe parce que c'est comme si on ouvrait des portes sans maîtriser l'énergétique, sans maîtriser les codes, sans maîtriser les symboles. On ouvre des espaces et on ne les referme pas et c'est des espaces où il y a beaucoup d'énergies errantes, en fait. Et donc, ce n'est pas du tout des endroits qui sont sécuritaires et ce n'est pas une spiritualité qui est safe, en fait.
Alors, je sais que ce que je raconte, ça va peut-être générer des incompréhensions, puis de la colère. Mais voilà, ça, c'est ma position et elle est très claire. Et voilà, depuis plusieurs années, j'ai ces sensations. Et en fait, il faut pas tout mélanger, il y a aussi des personnes mexicaines, il n'y a pas que des étrangers, il y a aussi des Mexicains qui ont perdu la connexion à leur pratique ancestrale pré-hispanique et qui, du coup, plongent aussi dans ces techniques New Age. Il y a aussi des praticiens qui ont perdu la connexion à l'ancestral et qui font un mélange de tout. Et moi, dans mon chemin de recherche aussi, je me suis rendue à l'origine des endroits où il y avait des enseignements qui m'intéressaient. Par exemple, en Inde, dans mon parcours, quand je me suis intéressée au yoga, quand j'avais 19 ans, je me suis rendue en Inde à plusieurs reprises, j'ai fait des séjours dans les ashrams pour essayer de côtoyer la connaissance le plus près possible. Et puis de la même manière, pour cet appel que j'ai eu à un moment donné d'asseoir ma pratique animiste et de trouver un enseignement plus dans une pratique qui pourrait s'apparenter à une pratique de chamanisme, même si le chamanisme, c'est un mot qui est mal utilisé aujourd'hui.
Et bien dans cette recherche-là, j'ai été amenée à côtoyer les Wixáritari et puis d'autres praticiens traditionnels. Et donc moi aussi, je me rends compte que j'ai eu des pratiques qui étaient un peu limites, peut-être que j'ai pris des éléments de certaines cultures et que je les ai utilisées. Mais en tout cas, ce que j'ai essayé de faire toujours, et même si j'ai fait des maladresses, c'était de comprendre quel est le lien avec nos pratiques à nous, qu'est-ce qu'il y avait en dessous. Ne pas m'arrêter à l'esthétisme, mais de pénétrer les sens. De sortir du cadre culturel et de comprendre l'essence. Mais ça a encore ses limites.
Donc moi, je n'ai pas la science infuse, simplement, ce que je sens aujourd'hui, c'est un besoin d'une spiritualité qui est beaucoup plus simple et qui est beaucoup plus ancrée. Et par exemple, dans l'usage des plantes, moi, j'utilise des plantes qui viennent de mon environnement, et des plantes que je côtoie, et des plantes que je connais. Et j'essaie d'être extrêmement vigilante par rapport aux outils qui sont incorporés dans mes pratiques. Voilà. Mais je ne suis pas impeccable, j'ai fait des conneries aussi, en essayant de reconstituer un chemin d'exploration.
Alors je vais maintenant énumérer un petit peu pourquoi c'est dangereux aussi ce bricolage spirituel.
Le premier, c'est que c'est un vrai reflet de l'exotisation qu'on peut avoir de certaines pratiques, de certaines cultures. Et cet exotisme, en fait, c'est à la fois ça montre qu'il y a une fascination, mais aussi de l'ignorance et de l'aversion vis-à-vis d'autres qui ne sont pas considérés comme des égaux. Et souvent, quand on utilise des éléments symboliques d'une culture dominée, en fait, on a une représentation très limitée, très idéalisée. Et du coup, c'est très dommage et ça entraîne des promesses d'épanouissement qui sont sans morale, sans repère et du coup, qui sont problématiques.
Dans ce bricolage spirituel, on retrouve des éléments d'appropriation culturelle, de domination et il y a des conséquences sur les populations locales, comme celle du déplacement des populations à cause de la hausse des prix. Mazunte, par exemple, c'est un bon exemple : il y a beaucoup d'étrangers qui viennent, ou de Mexicains privilégiés, qui vont venir acheter des terrains et déplacer des populations. C'est la même chose qui est en train de se passer à Oaxaca. C'est la même chose qui se passe à Tulum, par exemple.
Dans ces communautés qui utilisent du bricolage spirituel, ou dans ce tourisme spirituel et psychédélique dont je vous ai parlé, il y a souvent aussi des addictions qui sont déguisées. Et ces addictions qui sont déguisées, elles montrent qu'il y a une prise de psychédéliques, par exemple, ou des cérémonies à répétition, sans pouvoir intégrer ce qui a été vécu, les expériences, les leçons qu'on a pu tirer de ces expériences dans la vie pragmatique, et en fait on est juste dans une perpétuelle recherche de sensations et d'ouverture, de vision, etc. sans pour autant intégrer cela dans la vie quotidienne. Et ces addictions déguisées, elles ont des vraies conséquences, parce que par exemple, ce tourisme psychédélique, il entraîne un extractivisme massif des ressources naturelles, qui entretient ces pratiques.
Donc cet extractivisme, on le retrouve notamment avec le hikuri, donc le peyote, aujourd'hui ce cactus, dont les Wixáritari sont les gardiens et qui est utilisé dans plusieurs cultes au nord du Mexique et au sud des Etats-Unis, est en danger d'extinction pour plusieurs raisons. Une des premières raisons, c'est par l'exploitation des terres par des entreprises étrangères et mexicaines pour extraire des minéraux. Et sur ce désert, où pousse le peyote, qui est un désert sacré dans la cosmogonie des Wixáritari, parce qu'il y a des entreprises qui font des cultures massives et intensives de tomates et donc qui dévêtissent les sols du peyote pour faire de l'agriculture massive, et puis le tourisme psychédélique, donc de plus en plus de personnes qui vont venir cueillir le peyote pour le revendre, pour faire des cérémonies au Mexique ou à l'étranger, mais qui n'appartiennent pas à la culture Wixáritari ou à toute autre culture traditionnelle qui sont gardiens de cette plante.
L'autre point néfaste de l'addiction déguisée, c'est que ça entraîne aussi l'augmentation du trafic de drogue et l'arrivée massive des cartels. Par exemple à Tulum, parce qu'il y a toute la communauté Burning Man qui est installée à Tulum notamment, et que c'est aussi un endroit très festif, et bien il y a une arrivée massive des cartels, et aujourd'hui c'est un endroit qui n'est pas du tout safe, parce que les cartels sont présents, parce qu'il y a une demande de drogue.
Voilà, alors la spiritualité 2.0 et le tourisme spirituel et psychédélique, ça peut être aussi une voie pour s'échapper de la réalité, avec finalement très peu d'ancrage à la matière. Vous savez quand on discute avec les Marakame, quand je discutais avec Don Eugenio lors d'un long voyage en voiture qu'on a fait ensemble, quand je lui ai demandé « comment est-ce que tu es devenu Marakame ? » il me raconte que, comme beaucoup d'entre nous, il a été perdu à certains moments de sa vie, donc dans sa jeunesse, alcoolisme, en cherchant des solutions, il a même expérimenté les témoins de Jéhovah, un peu perdu parce qu'il avait peu de connaissances de sa lignée familiale. Et lui, provenant de la communauté, qui est gardien de hikuri et qui faisait des pèlerinages chaque année, une fois, il a décidé de faire ce pèlerinage. Et à force de pèlerinages et de travail avec le hikuri, il a eu la révélation qu'il appartenait à cette lignée de gardien de connaissances, et que c'était son chemin, et qu'il allait devenir Marakame, mais il me dit, « le vent m'a dit, à ce moment-là, qu'avant, il fallait que je reste, – je ne sais plus si c'est 20 ans ou 30 ans – avec la même femme, que je cultive ma terre, et que je prenne soin de mes enfants. » Et donc cette notion de timing, de patience, de “dédication” – je ne sais pas si ça se dit en français, j'ai des mots parfois en espagnol qui me viennent dans l'esprit –, et bien moi elle me sert de leçon en permanence et je me dis, en fait, voilà, un marakame, il n'a pas le titre comme ça du jour au lendemain. D'une part, ça demande, il y a une notion de timing, une notion de plusieurs années de patience. Il y a une notion de vie matérielle bien gérée, lien à la terre, lien à la famille, lien à la fidélité, donc à la rigueur. Et puis il y a un lien à l'engagement, parce qu'un marakame, c'est un chaman dans la définition anthropologique du terme, parce que le mot chaman, il nous vient de šaman, qui est un mot qui a été emprunté au Toungouses de Sibérie, qui a été emprunté par un explorateur, puis utilisé par les anthropologues pour parler des personnes qui entrent en transe et qui communiquent avec le monde de l'invisible. Et donc effectivement, un marakame, c'est un chaman dans la définition anthropologique, même s'il ne s'appelle pas entre eux “chaman”. Et puis un chaman, du coup, c'est un prêtre animiste et les marakames ont un certain nombre d'engagements auxquels ils doivent répondre, et notamment le fait de tenir des cérémonies, de faire des offrandes et de respecter certains événements et des moments clés de l'année. Et le marakame, il a comme rôle social aussi d'être l'intermédiaire avec les forces de la nature, et donc, du coup, il est indispensable pour maintenir l'équilibre avec les forces de la nature. Donc, il a un engagement qui va au-delà de simplement faire des cérémonies de guérison. Il est aussi là pour être en communication avec la nature et avec les forces de l'invisible, pour maintenir l'équilibre pour l'ensemble de la communauté.
Donc, on est vraiment loin du chaman 2.0 d'Instagram. Et c'est ce que j'explique aussi dans La femme chamane au début, en introduction, c'est qu'on utilise ce mot d'une manière extrêmement galvaudée aujourd'hui. D'ailleurs, c'était un énorme conflit avec l'éditeur, parce que toute cette dimension symbolique et profonde, elle est souvent pas du tout entendue et respectée. Et du coup, s'engager dans cette voie, c'est une vraie demande de compromis, une vraie demande d'ancrage à la réalité pragmatique. Donc simplement utiliser cette spiritualité pour s'échapper de la réalité, en fait on est loin de la spiritualité, on va dire, “traditionnelle”.
Cette spiritualité qui utilise le bricolage et le tourisme spirituel et psychédélique, il peut parfois valider le capitalisme et le néocolonialisme et les inégalités à travers le contournement spirituel dont on a déjà parlé. Parfois, ils ne parlent même pas la langue locale, il y a beaucoup de personnes qui vivent à Tulum, qui ne parlent pas l'espagnol, et encore moins la langue des autochtones. Et puis, on oublie parfois que les pratiques traditionnelles, elles ont évolué dans un contexte socio-environnemental particulier qui résulte d'une exploration collective répétée pendant des millénaires. Par exemple, les Wixáritari, ils ont des chants dans leur cérémonie qui sont des chants intacts depuis 5000 ans, quasiment. Donc on n'extrait pas un élément comme ça.
Parfois, on oublie qu'il y a l'existence, dans une pratique spirituelle, d'un mythe fondateur et une cosmogonie qui constituent une structure pour la psyché, des repères pour la psyché. Donc c'est là où ça devient presque dangereux d'aller faire une expérience psychédélique, par exemple d'ayahuasca, sans connaître les bases des mythes et la cosmogonie de la communauté chez qui on va prendre cette plante, parce que ça peut entraîner des affaiblissements psychiques. On peut se sentir perdu et on peut recevoir des éléments et les interpréter de manière erronée.
De la même manière, il y a souvent une méconnaissance des structures et des dynamiques énergétiques et des forces invoquées. Donc, on n'est pas dans des espaces qui sont sécurisés. L'intégrité de la pratique et le cadre permettent la sécurité.
Alors, on oublie aussi qu'il y a une notion de timing pour intégrer et pouvoir transmettre et pratiquer les pratiques. C'est ce que je raconte avec l'expérience de Don Eugenio qui nous partage comment il est devenu chaman et ce timing de plusieurs longues décennies. Et puis, je voulais vous souligner que, par exemple, il y a eu une proposition de loi pour le pays d'Amérique latine, donc la loi Marco, au Mexique, pour protéger les pratiques traditionnelles de soins et de médecine. Et du coup, cette loi Marco que vous pouvez retrouver, que j'ai mise aussi en bibliographie, elle explique que la personne, elle doit être initiée par un membre de la communauté qui est reconnu pendant un minimum de cinq ans et la communauté doit valider le fait que cette personne, elle peut pratiquer et transmettre. Donc, ce n'est pas juste “j'y vais pour une semaine et puis je repars avec la pratique et je la transmet en Europe”. Voilà. Moi j'ai une amie qui a appris avec des pratiques de cérémonie de feu au Guatemala, elle a été initiée pendant un an d'une manière assez rigoureuse, et elle a interdiction de transmettre cette pratique en France. Donc il y a un certain nombre de règles et de timings à respecter. Et ça, ce n'est pas juste pour interdire, c'est aussi pour la sécurité, pour être bien sûr que le corps énergétique il se soit imprégné de la connaissance, et parfois on a tendance à se précipiter.
Alors moi, je peux dire que je me suis précipitée aussi dans ma vie, et qu'il y a des pratiques que j'ai expérimentées, que j'ai eu tout de suite envie de transmettre. J'ai fait des erreurs.
Voilà. Donc, on peut s'interroger sur qu'est-ce que c'est que la spiritualité pour nous aujourd'hui, et regarder si on baigne dans la confusion. Et du coup, d'observer notre pratique. Est-ce qu'on a introduit des éléments de culture en les séparant de leur contexte ? Voilà, c'est une question qu'on peut se poser. Est-ce qu'on a respecté le timing de transmission aussi, et d'intégration ?
Alors, je vais maintenant aborder plus en précision la thématique de l'exotisme religieux ou l'exotisme spirituel. Donc, l'exotisme c'est le fait d'avoir une attirance, un goût, pour ce qui est étranger et différent, bien souvent justifié par un sens esthétique ou une attirance pour des éléments superficiels de la culture. Bien souvent, il y a une sélection dans les éléments qu'on va retenir de la culture ou qu'on va, on va dire, diffuser de la culture, en omettant tout un contexte socio-économique et en omettant parfois les parties les plus délicates, les sujets sensibles et tout ce qui est un petit peu moins vendeur.
Alors cet exotisme religieux et spirituel, pourquoi j'en parle ? Parce que c'est souvent parce qu'on est attiré par des éléments esthétiques d'une culture qu'on va s'en approprier, qu'on va les incorporer dans nos pratiques. Et c'est aussi, j'avais envie d'en parler aussi, par rapport aux phénomènes des réseaux sociaux et de la photographie, parce que, par exemple, on peut facilement faire de l'exotisme et participer à tous ces phénomènes dont on parle quand on est influenceur ou influenceuse et que l'on va prendre des photos, par exemple, lors d'un voyage, et qu'on va montrer que des éléments extrêmement sélectionnés et qui vont plutôt aller dans le sens de l'esthétisme et entraîner du coup un biais d'interprétation pour les personnes qui vont voir ces images.
Pour parler de cela, je vais vous partager un vrai conflit intérieur qui est arrivé mais qui est vraiment le reflet de cela pour que vous compreniez cette dynamique. En fait, quand je suis arrivée à Oaxaca en 2019 la première fois, j'avais comme objectif de faire un documentaire. Je voulais faire un documentaire sur les gardiens de la terre, “los curanderos y las curanderas” ; les accoucheuses, “las parteras” ; et certains artisans qui pratiquent des pratiques liées à la terre, donc des céramistes, des tisseurs, des personnes qui teignent avec des plantes. Ce documentaire, ce projet a abouti puisque un couple de copains, Aurélie et Arnaud, m'ont contacté à ce moment-là pour me proposer un projet qui allait dans le même sens. Donc du coup, on a décidé de le faire ensemble. On a beaucoup travaillé sur ce projet et on a réussi par cette force de travail, et notamment merci à à Arnaud et Aurélie parce que c'est aussi grâce à eux que ça s'est allé jusque là où c'est allé, eh bien on a réussi à vendre le projet à un canal de télévision français qui a accepté de financer ce travail. Et en fait, moi j'ai commencé à me sentir extrêmement mal, et à bloquer, à ralentir, à sentir quelque chose qui ne sonnait pas juste dans ce projet. Et donc, j'ai décidé d'avorter le projet. Et donc, un an et demi après, presque deux ans après avoir commencé, j'ai mis mon veto et j'ai dit que je préférais qu'on attende et qu'on mette en stand-by ce projet, puisqu'en fait, le conflit venait de plusieurs choses. Je me suis dit premièrement, si je diffuse ce documentaire, il va être diffusé en France. Je vivais déjà à Oaxaca quand j'ai eu cette réflexion, donc je me suis bien rendue compte qu'il y avait déjà cette dynamique d'un tourisme de masse, de l'exotisme culturel et des conséquences que ça pouvait avoir. Et j'ai eu connaissance aussi de certaines dérives, notamment qui ont pu toucher des curanderos et des curanderas dans le passé. Je ne sais pas si vous connaissez cette polémique de María Sabina, donc María Sabina, c'était une curandera, une guérisseuse qui travaille avec les champignons, une curandera qui vient du village de Huautla de Jiménez, une chamane mazatèque. Et en fait, dans les années 60, il y a un Américain, Robert Gordon Wasson, qui s'est rendu dans ce village rencontrer María Sabina et qui a vécu une expérience avec les champignons hallucinogènes. Et en fait, il faisait une étude sur l'usage des champignons dans les différentes religions et spiritualités de manière ancestrale. Et en fait, il a fait un article qui a été largement distribué, il a fait un article dans le Washington Post. Et cet article a entraîné une vague de personnes appartenant à la révolution des psychédéliques qui sont allées dans le village de María Sabina afin de faire ces mêmes expériences, et parfois même juste en allant cueillir les champignons et en ne respectant pas du tout le cadre de la cérémonie. Et donc, de fait, il y a eu des conséquences dramatiques puisque María Sabina, au fil du temps, elle a eu beaucoup de problèmes avec les villageois et on lui a brûlé sa maison, il y a eu des conséquences désastreuses sur ses enfants et son époux. Et à la fin de sa vie, elle a vraiment regretté, elle a vraiment annoncé qu'elle avait regretté d'avoir ouvert ses portes à cet Américain, parce qu'en fait, ça avait détruit sa vie, et puis surtout que les champignons avaient perdu de leur puissance, puisqu'en fait, les Américains ou les étrangers qui venaient juste pour avoir des expériences psychédéliques, mais ne respectaient en aucun cadre le besoin de guérison, les offrandes, le cadre en fait de la spiritualité, qui tournaientt autour de la prise d'une chine champignon. Donc moi, en me rappelant de cette histoire, je me suis dit, « oh attends, fais un pas en arrière, qu'est-ce que ça va être les conséquences de montrer des gardiens de connaissances, des curanderos, des curanderas, qu'est-ce que ça va être la conséquence parce que tu vas montrer ça en France, donc tu vas les visibiliser, est-ce qu'ils ont besoin d'être visibilisés, quelles vont être les conséquences pour ces personnes ? » Ces personnes, elles vivent simplement, elles n'ont pas forcément besoin d'être visibilisées, en fait. Donc, je me suis dit, ça, c'est une vision très personnelle, en fait, et presque égotique de ma part. Donc, je me suis dit, « OK, peut-être que pour le faire bien, il va falloir que j'ai besoin de plus de temps ».
Et puis, entre-temps, j'ai eu l'expérience que je vais vous raconter aussi, parce que c'est hyper important que je raconte cette expérience, parce que ça montre aussi à quel point, parfois, on est tellement programmé. Une personne qui a lu mon livre, le dernier livre, où je partage notamment des rencontres avec des curanderas, et qui m'a contactée en fait pour me dire qu'elle aimerait se rendre à Oaxaca et qu'elle aimerait se rendre chez une des curanderas que je mentionne dans le livre, et qu'elle aimerait son contact. Alors moi, normalement, je ne donne pas les contacts de ces personnes, parce que ça dépend en fait, c'est du cas par cas, mais en général, j'estime que c'est un cheminement qui est très personnel et qu'on doit, quelque part, arriver chez ces personnes pour que ce soit juste. Et parfois, je partage évidemment. Et puis, comme cette personne m'a dit que c'était pour une question de santé et qu'elle m'a décrit le problème, je me dis bon, ça pourrait tout à fait être pertinent. Et en fait, il s'avère que cette personne, elle s'est présentée auprès de cette curandera, qui est aussi une amie, et qui lui a dit que c'était une de mes amie – alors qu’en fait, ce n'est pas une de mes amies, c'est une connaissance – et qui lui a en fait demandé d'être initiée, qu'on lui passe la connaissance, et quand la curandera lui a proposé d'organiser en fait une formation et puis lui a donné ses prix, eh bien cette jeune femme blanche française s'est offusquée et lui a dit que ce n'était pas normal parce qu'à moi, elle m'avait transmis gratuitement. Et cette personne a beaucoup insisté, était très intrusive, pour que cette curandera d'origine oaxacanienne, avec un revenu et un pouvoir d'achat qui est quand même beaucoup plus bas, elle a voulu recevoir, elle a exigé qu'on lui apprenne gratuitement. Et donc du coup, évidemment, mon amie curandera ça l'a beaucoup choquée. Donc elle m'en a parlé, etc. Et moi, je me sentais mal. Et je me suis dit, waouh, non, mais ça, c'est une conséquence qui est dramatique. Et ça, on vous montre bien, comme parfois on est programmé avec notre esprit du conquérant blanc dont tout lui est dû, et dans une relation de domination. On ne se laisse même pas inviter et on exige qu'on nous donne des choses, même gratuitement. Donc on prend, on prend, on prend. Donc là, c'est de l'extractivisme culturel à 100%. Et donc, en parlant avec des collègues, notamment une collègue ethnobotaniste et des anthropologues, ils m'ont dit, normalement, dans nos livres, nous, on ne mentionne jamais les noms et les lieux. On change les lieux et les noms. Donc, je me suis dit, ça, c'était une erreur que j'ai faite. Et en même temps, je crois que j'étais trop naïve sur le fonctionnement des individus, quelque part.
Donc, pour ce documentaire, je me dis, OK, les conséquences de visibiliser des personnes, ce n'est pas anodin, premier point.
Deuxième point, c'est arrivé à un moment où, en fait, à Oaxaca, je commençais à me rendre compte qu'il y avait énormément de problèmes de fond qui n'étaient pas du tout romantiques, notamment un problème de pollution des rivières à cause de la mauvaise gestion des déchets et un problème de gestion des déchets, puisque le Mexique, c'est un pays qui est très corrompu, Oaxaca, c'est un État qui est très pauvre en termes économiques, pas en termes de richesse naturelle, mais en termes économiques. Et en fait, il y a une très mauvaise gestion des déchets. Et comme c'est un État qui est corrompu, eh bien les déchetteries n'ont pas de budget. Donc, la manière dont elles gagnent de l'argent avec les poubelles, la gestion des déchets, c'est en faisant le tri des déchets et en revendant ce qui peut être revendu. C'est comme ça qu'elles gagnent leur vie. Et en fait, le gouvernement, enfin l'État a exigé, ou la ville, je ne sais pas très bien, a exigé qu'on tri les déchets. Donc, déjà, le tri des déchets n'existe pas jusqu'à aujourd'hui. Donc, l'année dernière, à peu près au moment de la fête des morts, Dia de los Muertos, qui est une fête qui est très touristique et aujourd'hui exotisée qui attire beaucoup de monde, la ville se transforme en Walt Disney, il y avait en même temps tout un tas de poubelles partout dans la rue, puisque déjà en temps normal, la gestion des déchets est mauvaise, mais là, il y a eu une grève. La grève venait du fait que, comme on a exigé, maintenant l'autorité a exigé qu'on tri les déchets chez nous, ce n'étaient plus les déchetteries qui pouvaient trier les déchets et donc vendre les déchets, mais par contre, c'est des personnes qui viennent collecter les déchets, qui allaient vendre les déchets qui étaient triés. Et donc, ce qui arrivait aux déchetteries, c'était des déchets qui n'avaient plus aucune valeur. Et donc, les déchetteries n'avaient plus d'argent, donc elles ont fermé. Donc, il n'y a plus de déchetterie et c'est encore un problème récurrent qui existe : il n'y a pas de déchetterie à Oaxaca, puisque en fait le tri, les déchets qui sont triés, ils sont revendus. Donc en fait, il y a un trafic de déchets. Et donc il y a quand même des personnes qui récupèrent les déchets et qui vont les tirer dans la nature ou qui vont les mettre dans les rivières. Donc il y a un énorme problème de fond par rapport à la gestion des déchets. Donc je me disais, quelle hypocrisie de faire un documentaire avec un sens esthétique magnifique sur les gardiens de la terre à Oaxaca quand je sais qu'il y a toutes ces problématiques de fond. Plus le fait qu'on aurait été une équipe plutôt blanche, européenne, de télévision, qui venait pour faire un documentaire, etc. Même si c'était fait avec beaucoup de respect, d'humanité, et qu'Aurélie et Arnaud sont merveilleux, ça reste quand même quelque chose de très sensible. Et donc moi, je me suis dit, OK, si tu veux faire un documentaire, ça va demander beaucoup plus de temps pour comprendre les codes, et surtout pour ne pas traiter le problème en superficie, mais traiter le problème en profondeur et donc de montrer aussi bien ce qui peut vendre, ce qui peut être vendeur, l'esthétisme, faire de l'exotisme, voilà, et en même temps, montrer la vérité et montrer tout ce qui peut être aussi négatif pour qu'on ait une photographie qui soit réelle, non pas qu'on soit dans un exotisme qui est complètement délétère et qui va attirer des personnes pour les mauvaises raisons. Et d'ailleurs, j'ai beaucoup de témoignages de personnes qui viennent à Oaxaca par rapport à des posts qui ont été faits sur Instagram, etc., qui ont été attirées et qui sont extrêmement déçues ou qui se sentent que c'est difficile de vivre ici, etc., parce qu'en fait, parfois, on a tendance sur les réseaux sociaux à montrer que le bon. Donc moi, c'est pour ça, les personnes qui me suivent, vous avez peut-être remarqué que je ne partage presque plus ma vie à Oaxaca ou que je ne montre pas beaucoup de photos du quotidien parce que je n'ai pas envie d'être dans cette exotisation, ou alors si je ne parle pas je parle aussi des problèmes ça c'est aussi une prise de conscience qui a changé ma manière de communiquer.
Donc quand on est influenceur ou influenceuse et qu'on se rend dans un pays il faut savoir qu'il y a quand même des conséquences sur ce qu'on communique, il y a des conséquences donc on a aussi une responsabilité par rapport à à nos messages.
Alors, on est déjà à une heure et demie de podcast, donc je vais couper l'épisode ici, et je vais continuer dans un autre épisode, comme ça on fait en deux parties, et ça sera beaucoup plus digeste. Voilà, donc je vous retrouve pour le prochain épisode, et si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le noter, et à le partager autour de vous, pour faire connaître ces réflexions, ce travail. Et on peut se retrouver aussi sur les réseaux sociaux. si vous avez envie de suivre mon travail, mes photos et mes partages. Écoutez, je vous donne rendez-vous pour la deuxième partie.
Retranscription - partie 2
Bonjour à toutes et tous, re-bonjour à toutes et tous, on se retrouve pour la suite de l'épisode 2 du podcast Des Racines Naissent les Fleurs. Je vous remercie de m'avoir rejoint pour cette suite de partage. Et on va plonger directement dans le vif du sujet.
Si vous n'avez pas écouté la première partie, je vous invite à d'abord écouter la première partie pour reprendre le fil et nous suivre pour cette deuxième partie.
Alors ce qu'on va faire ensemble, c'est qu'on va mettre en relation les dérives qu'on peut observer dans nos milieux aujourd'hui avec les mécaniques de la colonisation. Et ça me semble essentiel de rappeler ces éléments, puisqu'en fait, dans nos cultures occidentales, industrialisées, modernes, on a intériorisé un certain nombre de programmes et de manières de faire qui font qu'on ne se rend même plus compte qu'en fait on perpétue une dynamique coloniale. Et ce qu'on va surtout tenter de faire, c'est qu'on va proposer des pistes pour déclencher un processus de décolonisation, enfin en tout cas essayer de changer la dynamique et de mettre en place des pratiques dans nos milieux qui ne sont plus enracinées dans des dynamiques coloniales.
Alors pour rappeler ce que c'est que la colonisation, on va commencer par faire une définition très scolaire et très académique, mais ça nous permet de placer les bases, ça me paraît important. La colonisation, c'est la conquête d'un territoire, souvent par et à des fins de domination et d'exploitation, bien souvent, c'est motivé par des justifications idéologiques, des bénéfices économiques et des enjeux politiques. Le processus de colonisation, il inclut la domination d'une culture sur une autre et bien souvent, ça entraîne une intériorisation d'un racisme systématique, qui se ressent encore aujourd'hui. Ça, c'est des points hyper essentiels. Alors, le néocolonialisme, c'est comme le nouveau colonialisme, en fait, prend racine ce mot dans le fait que, effectivement, légalement, les États, ils ont donné l'indépendance à un certain nombre de pays qui avaient été colonisés, ceci étant on perçoit encore qu'il y a une politique impérialiste qui est menée par des anciennes puissances coloniales ou par des entreprises appartenant à des anciennes puissances coloniales vis-à-vis de ces anciennes colonies. Ces mouvements de néocolonialisme peuvent être conscients ou inconscients, parce qu'on a tellement internalisé un certain nombre de procédés que parfois on agit sans même se rendre compte qu'on perpétue un modèle.
Alors pour dérouler ma réflexion, ce que j'ai fait, c'est que j'ai observé et j'ai regardé ce qui se retrouvait en général dans les dynamiques coloniales. Et j'ai fait un parallèle avec ce qu'on peut trouver aujourd'hui dans nos milieux, de la spiritualité, du développement personnel, des méthodes naturelles, etc.
Alors, le premier point dont on a déjà parlé au premier épisode, c'est l'extractivisme. Alors, dans la dynamique coloniale, en général, on observe des pratiques extractivistes. Cela veut dire qu'on s'empare des richesses matérielles afin de s'assurer un approvisionnement en matières premières. Un des exemples qui nous vient à l'esprit dans l'histoire, c'est par exemple l'or et l'argent. Mais aujourd'hui, ces richesses matérielles dont on s'empare, on peut les voir dans le milieu de la spiritualité, du développement personnel, de l'ésotérisme. C'est par exemple le palo santo, qui est aujourd'hui un bois qui est utilisé pour les fumigations et qui est en danger selon les espèces. Et puis la sauge blanche, qui est aussi touchée de plein fouet par un extractivisme qui rend la ressource en danger. Et puis dans la lithothérapie, on peut le voir avec les minéraux aussi, qui sont en fait un des symboles les plus clairs de ces techniques extractivistes qui continuent. Le monde des minéraux, moi je le connais bien de par mon contexte familial, et c'est tout sauf des extractions qui sont propres en termes d'exploitation de la terre, en termes d'exploitation de main-d'œuvre bon marché, parfois même à un âge limite. Donc, on a dans nos milieux aujourd'hui des pratiques extractivistes qui sont validées par un schéma consumériste dans le monde de l'ésotérisme, du bien-être, etc.
Alors, on peut aussi retrouver l'extractivisme dans l'approvisionnement en richesses culturelles et spirituelles. Donc là, ça a un lien avec ce que je vous racontais juste avant sur le bricolage spirituel et les nouvelles spiritualités avec le tourisme spirituel, par exemple. Là, on peut avoir une déformation, par exemple, entre les cérémonies de cacao, par exemple, les cérémonies d'ayahuasca ou des cérémonies de peyote, éloignées du milieu d'origine et faits dans un contexte particulièrement inadapté.
Deuxième point qu'on retrouve dans les dynamiques de colonisation, c'est le fait de conquérir un espace de peuplement. Alors, évidemment, dans l'histoire coloniale, cette conquête d'espaces de peuplement par le vol des terres et par des mécaniques de guerre. Ceci étant, aujourd'hui, ça peut aussi se faire par le pouvoir de l'argent et donc des processus de gentrification qu'on peut observer dans des villes du monde qui sont des villes qui sont en fait positionnées dans des pays sous-développés ou en voie de développement, dans le sens économique du terme, dans la vision capitaliste, eh bien, en fait, on observe une perpétuation du schéma, puisque les personnes avec une monnaie plus forte, je donne l'exemple du Mexique, par exemple, à Oaxaca, des personnes avec des dollars canadiens, des dollars américains, des euros, des francs suisses, viennent, donc avec une monnaie plus forte, un pouvoir d'achat plus élevé, vont avoir la capacité d'acheter facilement des terrains, des maisons, des cafés, des restaurants, créer des entreprises et vont parfois même maintenir un rythme de vie et créer même un circuit fermé en proposant des offres pour les étrangers, eh bien, en fait, on observe la conséquence, c'est qu'il y a une inflation, donc une augmentation des prix. Et la problématique, c'est que les locaux, bien souvent, eh bien, ils n'ont pas une augmentation de leur salaire. Et le salaire de base, il est bas. Donc, par exemple, à Oaxaca, c'est 1000 pesos la semaine, qui ne représente même pas 50 euros. Et donc, qu'est-ce qui se passe ? Il y a des déplacements de population qui sont une conséquence, puisqu'en fait, ils ne peuvent plus se loger. Et ils n'ont pas accès à l'offre qui est présente dans le centre de la ville, par exemple. Donc ça, c'est une dynamique qu'on observe dans toutes les villes du monde. Sauf que quand c'est quelque chose qui se répète dans un pays qui a été colonisé, c'est très douloureux pour les locaux. Ils ont l'impression qu'ils revivent une histoire. Alors, ce n'est pas une colonisation, une conquête d'espaces de peuplement par la violence de la guerre ou par le vol, mais c'est par le pouvoir de l'argent. Et ce pouvoir de l'argent et la puissance économique de nos pays européens ou des pays nord-américains, eh bien en fait, cet argent, il vient de la colonisation. Donc c'est en fait un circuit qui se répète. Et donc du coup cette conquête d'espaces de peuplement qu'on voit opérer dans certaines villes aussi, et qui s'est justifiée parfois par l'arrivée massive d'étrangers qui veulent vivre une spiritualité plus libre, et qui trouvent du coup refuge dans des endroits où c'est possible, et en fait avec des conséquences sur les locaux. Donc ça on l'a vu et on l'a observé beaucoup avec le Covid, et surtout au Mexique, puisque le pays était ouvert pendant le Covid, il n'y avait pas de confinement, donc il y a eu une arrivée massive d'étrangers. Et parfois, on ne se rend pas compte des conséquences. Et puis aujourd'hui, avec le Airbnb, le Digital Nomad, etc. il y a des vraies conséquences puisqu'en fait, on peut travailler d'où on veut et puis on peut gagner quand même notre monnaie locale, mais en vivant dans un pays à faible coût. Et de fait, on fait augmenter les prix. Et puis, du coup, les personnes qui ont des logements, ils préfèrent faire des Airbnb parce que les étrangers vont les louer, donc ils peuvent gagner plus d'argent que de faire des logements pour les locaux. Et donc, on a une problématique comme ça qui est liée aussi à la digitalisation du travail et au fait qu'on peut travailler pour gagner des euros, des dollars, des francs suisses en vivant au Mexique. Donc ça, c'est une dynamique qui est globale, mais qui s'inscrit dans un schéma de domination encore quelque part et qui est douloureux pour les populations qui ont déjà, dans leur histoire, ils portent déjà le fait qu'il y a eu des conquêtes de territoire. Et ce qui me fait penser aussi qu'on oublie parfois que cette force économique qu'on a dans nos pays occidentaux industrialisés, c'est que cette force économique et cette force politique, elle provient en fait de l'exploitation des richesses des colonies, et souvent grâce à la force de travail des esclaves.
Donc cet été, par exemple, nous, quand on est allés avec mon compagnon, on est venus en Europe, et puis on est allés à Florence en Italie, mon compagnon est artiste, et il voulait, il avait envie de se connecter à cette histoire de l'art. Et en fait, on s'est, enfin moi, je me suis sentie profondément mal à l'aise et je me suis dit que je le savais, mais que là, je m'en rendais vraiment compte que toutes ces œuvres d'art, tout cet or, tout cet argent, ces représentations, et donc finalement, toutes nos richesses en Europe, elles sont basées sur l'exploitation d'autres êtres humains et de la terre. Donc, ça, c'est un point que je voulais nommer, la conquête de territoire, de peuplement.
Et puis, du coup, ce qu'on peut observer sur les réseaux sociaux de plus en plus des digital nomades et des entrepreneurs du spirituel qui sont en fait basés un peu partout dans le monde et qui en fait, la conséquence est qu'ils gentrifient et qu'ils font augmenter les prix pour les locaux et qui en fait continuent de renforcer les inégalités et de ramener peut-être les populations locales dans un espace de précarité.
Alors évidemment, on en parlait tout à l'heure avec mon compagnon, on disait, il n'y a pas que du mal non plus dans le mélange entre les populations. Et encore une fois, la migration, le voyage, font partie de la nature humaine. Par exemple, la conquête des Amériques, donc l'Amérique du Nord, c'est 1492 par Christophe Colomb, et du Mexique par Herman Cortez en 1519. Et en fait, on trouve quand même des traces anthropologiques qu’il avaient déjà eu des échanges avant entre les continents. Et donc, cette histoire de migration, elle fait partie de l'histoire de l'humanité, sauf qu'aujourd'hui, on a la domination qui continue. Donc, c'est ça la problématique. Et donc, cet échange entre les populations et les migrations entre les territoires, elles peuvent avoir des effets positifs. Et parfois, ça peut permettre d'enrichir nos perspectives. Donc, encore une fois, c'est de mettre de la nuance. Et si je migre dans un pays il y a peut-être juste des bases et des jalons à poser pour éviter d'aller dans trop de dérives. Et donc, une des premières, c'est d'observer la réalité locale, de côtoyer les locaux, de parler la langue et de voir comment on peut s'installer dans le respect et d'être dans un échange. Les diasporas d'étrangers, donc le milieu des expatriés, parfois, il renforce les grandes inégalités et il y a très peu d'investissement dans la communauté locale. Parfois même, l'argent ne circule même pas dans la communauté locale, il est renvoyé vers les pays d'origine. Donc voilà, il y a toute une manière de faire et c'est vrai que, par exemple, moi je peux observer qu'à Oaxaca, il y a aussi plein d'étrangers qui ont des projets merveilleux et qui apportent la conscience sur les déchets, qui apportent une forme de conscience sur des éléments, qui peuvent être aussi bénéfiques. Ceci étant, dans quelle posture ? Et là, on rentre encore dans des domaines qui sont compliqués. Est-ce que je me positionne comme la personne qui va sauver ? Donc, c'est très complexe. Et ce que je veux dire par là, c'est que, enfin, on peut idéaliser le monde des digitales nomades et on peut idéaliser le fait qu'il y a des entrepreneurs du bien-être qui vivent leur meilleure vie dans des endroits tropicaux, mais il y a des conséquences et parfois on les omet, ces conséquences sur les localités et sur les personnes qui proviennent de ces territoires.
Troisième point dans les dynamiques de colonialisme, c'est le fait de dominer et de perpétuer une domination. Donc, par exemple, ça serait travailler avec des autochtones, mais demander aux autochtones de se charger de tâches ingrates à des prix bas. Voilà, donc par exemple, faire produire des tissus pour des soins en France, dans des usines, où la main-d'œuvre est maltraitée, elle est mal payée, eh bien, on serait dans un schéma qui se perpétue.
Quatrième point, c'est accomplir une mission civilisatrice. Alors ça, ça a été l'un des points qui a motivé le colonialisme. Et cette mission civilisatrice elle est issue de l'humanisme des Lumières, dans un esprit positiviste aux yeux des Occidentaux, parce qu'en fait, c'est l'idée qu'on va apporter la civilisation, le progrès à des populations arriérées, sauvages, etc. Et donc là, cette idéologie des Lumières, elle a, on va dire, validée les conquêtes et les missions christianistes catholiques ont aussi validé ces conquêtes, donc l’évangélisation aussi. Mais aujourd'hui ça peut prendre une autre forme aujourd'hui cette mission civilisatrice, elle peut prendre la couleur de l'idée du progrès, comme je disais, mais aussi ce fameux sauveur blanc, le complexe du sauveur blanc ou de la sauveuse blanche, qu'on observe beaucoup sur les réseaux sociaux aujourd'hui, et bien c'est un prolongement de cette mission civilisatrice.
Alors, le complexe du sauveur blanc ou de la sauveuse blanche, c'est un concept qu'on a vu se développer dans le sillage du volontarisme, du tourisme humanitaire, et qui s'est considérablement amplifiée avec les réseaux sociaux. Donc en gros, c'est une personne souvent bien attentionnée, plutôt issue d'un milieu privilégié ou privilégiée dans le contexte du pays où elle se rend, et donc qui part dans une région moins développée, en contact de populations peut-être défavorisées, de communautés défavorisées. Et en fait, ce qu'on va observer, c'est qu'il y a la pensée qu'on va apporter une solution, qu'on va aider, qu'on va apporter notre prisme et notre vision occidentale à une problématique locale. Donc parfois, ça, c'est déjà une problématique parce que ça, par exemple, je ne sais plus si je vous ai déjà raconté, mais c'est une des histoires que m'a racontée un de mes enseignants, Laurent Hugli, qui, lors d'un séjour chez les Wixáritari, donc il côtoyait la même famille avec qui j'ai travaillé, et il a observé qu'effectivement, il y avait une volonté par un groupe d'Occidentaux d'aider pour améliorer les qualités d'accès à l'eau. En fait, ce qu'il a observé, c'est la bonne volonté des Occidentaux et les conséquences de ces installations, puisque finalement, dans la communauté, les femmes s'étaient organisées depuis des millénaires pour marcher ensemble, se rendre à la source d'eau, pour aller chercher de l'eau, donc c'était un moment social, un moment où elles pouvaient aussi exercer un exercice physique, quelque part. Et à partir du moment où on a changé l'organisation de la localité, et qu'on a apporté l'eau d'une autre façon, les femmes se sont retrouvées d'un coup coupées de cette tâche quotidienne qui leur permettait le lien social et l'exercice physique. Elles se sont retrouvées isolées, souvent soumises à l'autorité de l'homme, de la famille, et avec des prises de poids puisqu'il y avait moins d'exercice. Ça, c'est une des conséquences dont on ne peut pas penser au début quand on vient avec notre bonne intention d'Occidentaux pour transformer, réformer quelque chose sur un territoire. C'est là où on voit le biais et la conséquence parfois de vouloir agir quand on ne connaît pas les réalités locales. Et donc, peut-être que dans ce cas-là, c'est plus intéressant de demander ce que les localités ont besoin et de ne pas forcer la voie avec notre vision occidentale. Et en fait, le pire de tout ça, c'est que parfois, les personnes qui ont ces bonnes intentions, elles vont se photographier avec des personnes défavorisées ou des personnes racisées ou exotiser ces personnes et puis elles vont publier ça sur des réseaux sociaux et puis ça leur va leur permettre d'avoir des likes, d'agrandir leur communauté, d'avoir une bonne presse quelque part et de passer pour des héros. Donc ça c'est aussi une dynamique que l'on peut observer aujourd'hui dans nos milieux et qui peut être délétère, et perpétuer un schéma de colonisation et de mission civilisatrice, quelque part.
Donc l'exotisme spirituel, le bricolage spirituel, le tourisme spirituel et la capitalisation du bien-être, eh bien ça renforce des dynamiques délétères considérées comme des pratiques néocoloniales. Ça, c'est la conclusion. Gentrification, déplacement des populations, exploitation des manoeuvres locales, exploitation des terres, exploitation des ressources, appropriation de la culture et complexe du sauveur blanc.
Alors, comme je l'ai dit en intro de ce deuxième épisode, on est confronté aujourd'hui à de plus en plus de mouvements qui prônent la décolonisation, qui prônent les retours des terres, et ces mouvements-là, ils sont notamment très présents à Oaxaca et au Chiapas aussi, qui sont deux États qui ont résisté historiquement à la conquête au Mexique. Et on retrouve aussi ces mouvements chez les natifs du continent nord-américain. Et en fait, ce qui est assez compliqué, c'est que la plupart du temps, les États mêmes, ils valident ces dynamiques-là. C'est-à-dire que l'État de Oaxaca, par exemple, il va favoriser le tourisme, il va favoriser la venue des étrangers et il va favoriser l'investissement des capitaux étrangers sur ces terres. Donc le gouvernement étatique même est responsable de ces dérives. Même si au Mexique, il y a une loi qui permet l'autonomie des communautés pour qu'elles perpétuent leur système de gouvernance et puis qu'elles puissent créer leur programme éducatif pour une préservation de leur culture et de leur langue, il y a quand même une dynamique de colonialisme qui continue au sein même des États. Et on observe notamment aux États-Unis un État qui ne soutient pas du tout les communautés autochtones, et que bien que l'histoire elle est responsable de la pauvreté, des addictions, de la grande précarité dans laquelle se trouvent les natifs qui ont été reclus dans des réserves, en général sur des terres infertiles, bien que ce soit la colonisation qui est responsable aussi de l'extermination des autochtones, de leur interdiction de pratiquer leur pratique spirituelle, bien que ce soit l'État qui soit responsable de la malnutrition, puisqu'on a empêché les natifs de perpétuer leur mode de chasse et de culture et de cueillette. Donc on a rendu les natifs dépendants des produits transformés et du mode alimentaire des colons, tout en pensant bien qu'on a aussi introduit tout un tas de poisons, comme le sucre, l'alcool, les céréales raffinées, etc. Et donc, on observe aux États-Unis qu'il y a en plus un État qui ne va pas du tout soutenir les populations autochtones. Et cela renforce encore plus la colère et l'injustice qu'ils ont ressentis quand il y a des personnes privilégiées, blanches, issues de pays colonisateurs ou descendants de colons qui quelque part s'approprient d'éléments de leur propre culture, sans toutefois rétribuer, sans toutefois connaître, sans toutefois marcher pour la cause, sans toutefois s'activer, s'engager contre les inégalités, eh bien ça crée un ras-le-bol général.
Donc, comment on peut enclencher, nous, un processus pour désapprendre les dynamiques coloniales qu'on a intériorisées dans nos manières de fonctionner. Et du coup, comment on peut, nous, dans nos pratiques, essayer de modifier notre manière de faire ? Alors, ces processus de décolonisation et ces programmations, elles touchent à la fois les personnes qui se sont fait coloniser, et les personnes qui sont descendants de colons ou qui ont grandi dans des pays colonisateurs. Donc, pour les populations locales, pour les autochtones, ce désapprentissage va passer déjà par la libération du racisme qui a été intériorisé et qui renferme les populations autochtones, locales, dans une croyance d'infériorité les poussant à admirer tout ce que le blanc représente, et donc accepter quelque part sa domination, et donc accepter de travailler à moindre coût et d'accepter la soumission. Donc l'enjeu, il est de se libérer, pour ces populations locales, du culte de la blanchéité ou de la blanchité, dont je vous ai déjà parlé au début de cet épisode, et de fait, de revaloriser aussi les cultures ancestrales, du territoire et les pratiques religieuse précoloniale. C'est ne pas oublier que la langue, elle est importante. Les langues autochtones de natifs, elles sont importantes parce qu'elles permettent de faire perdurer la connaissance. Et s'il n'y a plus de personnes qui parlent les langues autochtones, eh bien, il y a une perte énorme de patrimoine culturel et de connaissance. Donc, il y a un enjeu vraiment pour ces peuples de retrouver leur intégrité culturelle et identitaire. Et donc, parfois, moi, j'entends la justification de la part de personnes qui s'installent dans des pays colonisés et qui vont sentir ces locaux qui ont intériorisé ce racisme et ces sentiments d'infériorité, les traiter comme des rois. Mais on peut bien comprendre d'où ça vient.
Le deuxième point pour les populations locales, c'est se libérer ou de ne pas cultiver, nous en tout cas, l'illusion de l'Occident comme un idéal à atteindre. Alors on a effectivement des éléments qui sont intéressants dans nos sociétés, mais tout n'est pas extrêmement positif dans nos fonctionnements sociétaux et dans notre rapport à l'environnement. Et donc, du coup, il y a quand même une croyance que la culture individualiste, libérale et capitaliste, qui est basée sur l'accumulation des richesses et la croissance économique, c'est l'objectif à atteindre. Et cela entraîne que, par exemple, à Oaxaca on l'observe beaucoup, qu'il y a l'idéal du rêve américain. Il y a beaucoup de Oaxacaniens qui ont juste envie de partir aux Etats-Unis et de pouvoir acquérir les biens qui répondent aux codes de cette société nord-américaine. Et qu'en est-il de la revalorisation du fonctionnement communautaire et du rythme de vie coupé de l'idéal de productivité ?
Alors, pour nous, personnes issues de pays colonisateurs ou descendants de colonisateurs, comment est-ce qu'on peut enclencher un processus de décolonisation intérieure ? Déjà, premier point, c'est reconnaître l'histoire qui est la nôtre et la sentir. Et quelque part, s'informer parce que bien souvent l'histoire a été transformée aussi. Deuxième point, c'est reconnaître notre privilège. Le privilège dont j'ai déjà parlé dans la première partie de cet épisode. Se rendre compte que nos richesses économiques, elles proviennent de siècles d'exploitation des colonies en termes de ressources matérielles et humaines. Reconnaître qu'il existe un racisme systématique dans nos sociétés, dans la structure même de nos sociétés, et qu'il y a une suprématie blanche, dans la définition que j'ai déjà donnée. Conscientiser que la dynamique de domination, elle est permise notamment par la dynamique de l'argent et du privilège. Donc en fait, à partir du moment où il y a de l'argent sur la table, il peut y avoir des dynamiques de domination qui s'installent, donc c'est être alerte. Et en fait, c'est de pouvoir, quelque part, développer des relations horizontales, d'égalité dans nos relations de travail, par exemple, dans nos couples, et prendre conscience qu'on doit prendre soin de nos relations et qu'on doit prendre soin des personnes avec qui on travaille. Sortir de ce modèle de domination dans nos manières d'interagir avec les autres.
Autre point, ça serait de s'observer et de voir si on a dans nos manières de faire des dynamiques qui ressemblent à celles du complexe de la Sauveuse Blanche ou du Sauveur Blanc.
Autre point, c'est peut-être se poser la question de pourquoi on a une admiration envers des peuples racines, des peuples traditionnels, autochtones. C'est se demander qu'est-ce qu'ils ont à nous enseigner ? Qu'est-ce qui nous donne envie ? Et pourquoi on a besoin d'aller chercher chez eux et d'aspirer ?
Et bien peut-être que dans cette recherche, il y a aussi une recherche de racines justement. Qu'est-ce qui a entraîné ce déracinement ? Déjà, les dynamiques. d'urbanisation, donc on est coupé du lien à la terre, nous sommes coupés du lien au travail manuel parce qu'on a développé des processus d'industrialisation et on a du coup déplacé des tâches sur des travails plus intellectuels, donc on a une sur-intellectualisation et on a une perte de lien avec la matière. Parce qu'on est déraciné en terme de famille, on a de plus en plus d'éloignements, on s'éloigne de nos noyaux familiaux, et puis on s'éloigne aussi de nos anciens, qui sont garants de la racine familiale, qui sont garants de la lignée, et donc bien souvent, un bon nombre de sagesses, et si on les écoutait, peut-être qu'il y a certaines erreurs qu'on ne répéterai pas. Et donc, nous sommes des sociétés déracinées. Est-ce que ce n'est pas pour ça aussi qu'on va chercher ailleurs ? Ça, c'est une réflexion que j'ouvre ici.
L'autre observation qu'on peut se faire, c'est est-ce que dans ma manière de travailler, est-ce que dans ma manière d'être, je perpétue des dynamiques d'extractivisme et d'exploitation des ressources culturelles, matérielles, à des fins mercantiles ou à des fins de reconnaissance personnelle. Est-ce que je peux conscientiser les conséquences d'acheter des propriétés avec une monnaie forte sur une terre autochtone ? Est-ce que je peux conscientiser que ces conséquences, elles sont peut-être délétères selon les cas pour les populations locales, notamment à cause de la hausse des prix que cela entraîne, des déplacements de population ? L'autre point, est-ce que je peux me rendre compte que la monnaie locale, de l'économie locale dans le pays où je me rends, ce n'est pas la même que notre pays d'origine et qu'injecter des euros, des dollars, des francs suisses, peut avoir des conséquences bénéfiques sur l'économie à court terme, mais peut entraîner la hausse des prix et peut entraîner des populations qui sont dépendantes de nous et entraîner aussi des déplacements de population à cause de la hausse des prix. Est-ce qu'on peut repenser les réseaux sociaux en évaluant les conséquences de la médiatisation d'un lieu, d'une ressource, d'une personne ? Est-ce qu'on peut reconsidérer la perception qu'on a des cultures colonisées, notamment pour éviter au maximum l'exotisation et la romantisation qui résultent souvent de nos publications, de nos photos, de nos posts sur Instagram ou des documentaires qu'on peut faire ou des livres qu'on peut écrire ? On met autant d'importance dans le beau que dans la visibilisation des problèmes systématiques internes comme la gestion des déchets, l'utilisation de l'eau dans les pays où on habite ou sur lesquels on se rend en vacances. Est-ce qu'on peut observer notre fonctionnement ?
Est-ce qu'on peut observer si on est dans une dynamique individualiste ou si on est dans une dynamique collective ? Alors ça, c'est un point très, très difficile parce qu'on a tellement intériorisé ces dynamiques individualistes qu'on a même oublié ce que c'était que penser en groupe. Et ça, c'est un contraste très, très présent quand on observe le fonctionnement des communautés, notamment ici autochtones, dans les zones reculées de Oaxaca, par exemple.
Est-ce que si on part en voyage ou est-ce qu'on part s'installer dans un pays, est-ce qu'on parle la langue locale ou est-ce qu'on fait de l'effort d'apprendre la langue locale ?
Est-ce qu'on a l'habitude de s'imposer ou plutôt de se laisser inviter sur une terre ? Donc ça, ça peut être quand je vais dans la nature, je vais dans un endroit nature, est-ce que quelque part, j'ai un moment donné une conscience qu'il y a de la vie dans la nature et que peut-être j'arrive sur un territoire qui est habité par de la vie ? Est-ce que je m'impose ou est-ce que je me laisse inviter ? Oui, c'est la même chose. Est-ce que, comme l'histoire que je vous ai racontée de cette Française qui s'est rendue chez la curandera et qui ne s'est pas invitée, qui s'est imposée et qui a exigé qu'on lui apprenne. Est-ce que moi, je m'impose ou est-ce que je me laisse inviter ?
Est-ce que je respecte les codes culturels locaux quand je pars en voyage ? Est-ce que j'ai pour habitude de photographier d'une certaine manière, et que cette manière de photographier, ça exotise la culture ? Est-ce que ma manière de photographier, elle pourrait s'apparenter à une appropriation de culture ? Ça, c'est aussi une question par rapport à la photo, dans les pays qui sont touchés par ces thématiques-là.
C'est aussi prendre conscience de ce que je laisse quand je me rends sur un territoire ou quand je me rends dans la nature. C'est le basique des déchets. Par exemple, au Mexique, ça c'est un point, il y a tellement de déchets dans la nature qu'évidemment, effectivement, il y a aussi un manque de conscience par rapport à ça. Mais nous, on peut tout à fait se rendre compte que quand on va en voyage et par exemple, on vient festoyer à Oaxaca pour la fête des Dias de los Muertos, et qu'en fait, on consomme des bouteilles d'eau, et bien ces plastiques, ils restent sur le territoire et qu'il y a une très mauvaise gestion de déchets. Donc en fait, quelque part, on laisse quelque chose. Donc prendre conscience de ce qu'on laisse quand on se rend sur un territoire.
Prendre conscience de ce qu'on prend et qu'est-ce qu'on rend en retour. Alors là, c'est pareil, c'est la dynamique coloniale, c'est : je me sers. Et ça, c'est un point extrêmement important parce qu'il touche plusieurs éléments de la vie. Le fait de prendre sans retour, on le retrouve par exemple dans les informations. On retrouve de plus en plus d'informations qui circulent sur les réseaux sociaux, dans les livres ou dans les médias. Et en fait, il n'y a même pas les sources. On ne sait même pas d'où viennent les informations. On ne sait même pas à qui on a emprunté ces dites références. Donc la propriété intellectuelle, c'est un territoire qui doit être respecté. Et du coup, est-ce que je prends, mais est-ce que je redonne ? Est-ce qu'il y a des notions de remerciements ? Est-ce qu'il y a des citations de sources ? Moi, par exemple, sur ce point-là, je me suis aperçue que j'avais des efforts à faire parce qu'il y avait eu des imprécisions à certains moments dans mes transmissions. Donc ça, par exemple, c'est un point sur lequel maintenant je suis hyper intransigeante et que j'ai encore envie de m'améliorer en apprenant des techniques pour bien citer les sources.
De la même manière, quand je fais de la cueillette de plantes, est-ce que je demande la permission ? Est-ce que je laisse un chant, un remerciement après avoir cueilli les plantes ? Dans la vision animiste, c'est-à-dire dans la vision que la nature est habitée par les forces invisibles, eh bien, bien souvent, avant de prendre, par exemple si je donne l'exemple du peyote, ce cactus qui fait partie du culte des Wixáritari, avant de prendre ce peyote, de partir à la cueillette. Il y a tout un processus de pèlerinage et puis d'offrandes qui est fait, de demandes de permission. Et donc, qui d'entre nous demande la permission avant de cueillir une plante ? Et est-ce que vous pensez que quand vous utilisez du quartz rose qui vient d'une mine au fin fond de Madagascar, qui a été investi à la dynamite, et qui est exploité par des personnes à bas ressources, en grande précarité, est-ce que vous pensez qu'on demande l'autorisation à la terre, est-ce qu'on rend et on rétribue à la terre ?
Donc, à notre échelle, et dans ce qu'on consomme, prendre conscience de ce qu'on prend et de ce qu'on donne. Et là, c'est là où je trouve que les pratiques animistes, c'est là où je trouve qu’elles peuvent nous apporter une sagesse dans cette juste relation.
On peut se questionner sur les informations que l'on reçoit dans notre quotidien et sur les informations qu'on a reçues dans notre éducation et donc peut-être entreprendre une décolonisation de nos références culturelles et des médias. C'est-à-dire de se poser la question de combien de personnes issues des minorités ethno-raciales, est-ce qu'il y a de la diversité dans les livres que nous lisons, sur les vidéos que nous regardons, dans les émissions de radio et les podcasts que nous écoutons, sur les pages d'Instagram que nous suivons, les canals de TikTok sur lesquels nous sommes connectés. Est-ce qu'il y a de la diversité dans les discours qui nous caressent les oreilles ? La diversification des sources est importante pour comprendre les besoins des autres personnes autour de nous, comprendre les réalités des autres personnes autour de nous. Et c'est vrai que les algorithmes, aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, ils ont tendance à toujours nous enfermer dans un cercle. Et donc on peut avoir tendance à créer des communautés qui sont peu inclusives, si on ne fait pas l'effort de l'inclusion. Est-ce que nous acceptons d'être confrontés dans nos opinions ? Est-ce qu'on va chercher l'information ou la vie contraire ? Est-ce qu'on inclut d'autres sources dans notre sphère ? Soyons alertes aux tendances qu'on peut avoir de faire du détournement spirituel et de ne pas avoir envie de se confronter à d'autres perspectives, parce que c'est aussi un frein à la croissance.
Un autre élément essentiel dans ce processus de décolonisation, c'est les mots que nous utilisons, les mots que nous avons intégrés dans notre vocabulaire, parfois, sont issus de l'histoire coloniale et il est nécessaire de réformer notre vocabulaire pour éviter d'utiliser des mots qui peuvent blesser, en fait. Les mots comme “indiens indigènes”, sont des mots qui sont perçus pour les natifs bien souvent comme des insultes. Il vaudrait mieux utiliser les termes autochtones, natifs, peuple premier, peuple des premières nations. Par rapport à cette thématique, j'ai mis aussi des références annexes au podcast, notamment une émission de radio québécoise qui traite de cette problématique de comment appeler les autochtones.
Un autre élément essentiel qui est lié à ces notions de vocabulaire, c'est la prise de conscience de la diversité à l'intérieur même des peuples autochtones. Tous les groupes autochtones, toutes les tribus ou les nations, selon les zones géographiques, selon comment on les appelle, toutes ces communautés, elles ont leurs particularités vestimentaires, culinaires, des cultes différents, une cosmogonie différente. Alors évidemment, on trouve des points de liaison, de nombreux points de liaison, mais il y a aussi de nombreuses différences. Par exemple, au Mexique, on trouve des communautés nahuas, mixtèques, zapotèques, otomís, wixárika. De fait, il y a de nombreuses subtilités, à l'intérieur des mayas, il y a plusieurs groupes. Donc attention aux raccourcis et aux stéréotypes, parce qu’ils sont aussi délétères et renforcent ces mécanismes d'exotisation et de domination.
Il y a un livre qui m'a beaucoup aidée à comprendre ces subtilités, notamment dans la place des femmes dans les différentes communautés autochtones. C'est un livre qui s'appelle Les filles de la terre. C'est un livre d'anthropologie de Caroline Niethammer. – Encore une fois, pardon pour mon anglais. – Et ce livre, il nous raconte en fait diverses pentes de la vie des femmes dans les sociétés autochtones, nord-américaines et canadiennes, donc des femmes autochtones de l'île de la Tortue. Et en fait, on se rend compte qu'il y a une grande variété. Et du coup, on ne peut pas faire de stéréotypes. Et parfois, dans les mouvements de féminin sacré, j'entends des grands raccourcis qui sont faits sur soi-disant comment se comportaient les femmes dans les sociétés traditionnelles : on ne peut pas faire des raccourcis comme ça parce qu'il y avait une grande variation. Sur des territoires aussi étendus, il y a des spécificités en fonction des différentes communautés. Donc attention aux raccourcis.
L'autre élément essentiel, c'est d'éviter d'emprunter un mot si on ne connaît pas sa profonde signification. Par exemple, le mot “aho” qui est utilisé aujourd'hui beaucoup dans les communautés spirituelles, ésotériques, chamaniques, du féminin sacré, c'est un mot qui est lourd de sens. Est-ce qu'on connaît vraiment son contexte de mise en place, est-ce qu'on connaît vraiment à quoi il se rattache ? Est-ce que c'est vraiment approprié de l'utiliser ?
Autre élément intéressant, c'est prendre conscience de si on emprunte un élément qui provient d'une culture, est-ce qu'on extrait simplement une partie romantique ? Est-ce qu'on porte aussi la lutte, le poids, les douleurs ? Ou est-ce qu'on prend juste ce qui nous arrange ? Est-ce que quand on souhaite travailler avec des cultures ou des communautés, est-ce qu'on demande aux locaux concernés leur positionnement, leurs besoins ? Ou est-ce qu'on impose notre vision des choses ? Parce que quand on emprunte un élément, on a toute la perception énergétique et spirituelle de sa signification.
Et enfin, on peut se demander pourquoi ces pratiques, elles nous attirent autant. Pourquoi la pratique qu'on est allé chercher, elle nous attire autant ? Et qu'est-ce qu'on peut mettre en place dans notre vie, peut-être, qui va nous rapprocher de cet élément sans avoir besoin d'aller chercher dans ces cultures ?
Décoloniser nos pratiques, c'est aussi reconsidérer notre perception du temps. Est-ce qu'on corrèle le temps à une notion de productivité ? Est-ce qu'on arrive à rien faire ? Est-ce qu'on arrive à être dans la simple contemplation ? Ou est-ce que ça nous coûte d'être dans la simple création sans objectif pécunier ou sans objectif à atteindre ? Est-ce qu'on a l'impression qu'on a de la valeur même si on n'est pas productif, même si on ne fait pas ?
Un autre élément pour entreprendre une démarche de décolonisation, c'est de s'interroger sur notre rapport à ce qui a de la valeur. Est-ce que le perfectionnisme, c'est une dynamique qui nous habite ? Et est-ce qu'on a l'impression que si on ne fait pas les choses parfaitement bien, nous ne sommes pas valables ?
Il faut bien comprendre qu'au cœur même de ces processus de colonisation, il y a la perception qu'on n'est jamais assez, que ce n'est jamais assez, qu'il faut aller chercher plus loin, en plus grande quantité, toujours plus, est-ce qu'on nourrit cette insatiabilité ou est-ce qu'on est capable de sentir que nous sommes assez et que le simple fait d'exister est suffisant ?
Alors tous ces éléments que je viens d'énumérer, ce sont bien évidemment des éléments qui constituent une liste non exhaustive. C'est une réflexion et toutes les références que j'ai utilisées pour générer cette réflexion, elles sont proposées en annexe de ce podcast. C'est un processus qui est difficile, qui va certainement prendre toute une vie. Et c'est un processus qui nécessite qu'on l'aborde avec patience et bienveillance. Comment sommes-nous arrivés à cette dérive ? Pourquoi c'est si confrontant d'écouter nos erreurs, d'observer nos schémas de fonctionnement ? Pourquoi ça nous touche et ça nous génère toutes ces émotions conflictuelles ? Une des raisons, c'est que bien souvent, ces phénomènes, comme on l'a déjà expliqué, s'inscrivent dans des dynamiques très anciennes qui trouvent leur racine même dans la structure de notre société. capitaliste, moderne, occidental, construite sur des dynamiques de pouvoir, de domination des territoires, de la nature et des êtres humains. Donc nous sommes dans un système et nous avons grandi dans ce système. Nos programmes éducatifs, notre système de croyance, notre culture et le fondement même structurel de la société nous ont menés à apprendre, à agir de cette manière. Donc il me semble essentiel d'entretenir une forme de bienveillance envers nous-mêmes, de replacer aussi la responsabilité sur le collectif, sur la société. Néanmoins, effectivement, ça n'empêche pas que ce soit indispensable d'agir individuellement et de se positionner individuellement à son échelle pour faire évoluer et de semer des graines dans le collectif.
Et j'avais envie aussi de rappeler que les dynamiques qu'on a décrites dans ce podcast, elles proviennent souvent de maladresse, de méconnaissance et de précipitation, et bien souvent, elles sont couvertes de bonnes intentions.
Donc, si vous vous sentez mal parce que vous avez l'impression d'avoir eu des pratiques qui sont déplacées, comme moi j'ai pu me rendre compte aussi ces derniers mois, ces dernières années, sachez que vous n'êtes pas toute seule ou vous n'êtes pas seul. L'importance aujourd'hui, c'est d'apprendre, de nous éduquer et d'enclencher le chemin vers une décolonisation de nos manières de faire.
J'espère que cet épisode et les références que je vous propose en annexe, elles vous permettront de prendre du recul, d'apprendre, d'apprendre, de vous interroger, d'initier davantage de discernement et de patience dans vos façons de faire.
Il me semble nécessaire également de souligner et de rappeler que le phénomène inverse, c'est-à-dire celui d'idéaliser les sociétés traditionnelles, les communautés autochtones et les pratiques spirituelles traditionnelles, ce serait également une erreur. Puisque quand on se rend dans ces communautés, on peut percevoir un certain nombre de dérives également.
Pour n'en citer que quelques-unes de ces dérives, une des premières, c'est le statut de la femme. Dans les communautés autochtones, apothèques, qui peut y avoir autour de Oaxaca, très souvent, on peut observer que la femme et l'homme ne sont pas à un niveau d'égalité, que la femme est soumise à un schéma patriarcal, même si ce sont des femmes en général très puissantes, qui ne sont pas non plus que des victimes. Elles savent très bien mener leur famille, leur économie et leur communauté. Ceci étant, on peut quand même observer des tendances avec un nombre important de violences et d'incestes au sein des familles.
On peut observer dans les communautés également des addictions à l'alcool mais aussi à des drogues, des plus simples aux plus dures. Et puis, on peut voir aussi qu'il y a des personnes qui profitent de ces arrivées massives d'étrangers et qui profitent, par rapport à cette thématique qu'on a développée aujourd'hui, du tourisme spirituel. Et donc, on voit émerger un certain nombre de faux chamanes, de faux guérisseurs. Et on voit aussi émerger des très bons chamanes et des très bons guérisseurs, mais qui ont des pratiques abusives.
Moi, j'ai été confrontée à trois reprises au Mexique, par des hommes ayant exercé une posture de domination sur moi et ayant flirté avec l'abus sexuel. Alors, un premier, c'était un membre, un ancien de la communauté Wixáritari, usant le prétexte de vouloir m'enseigner ses pratiques ancestrales, en me disant clairement que ses ancêtres voulaient qu'il me transmette. Puis en fait, au fil et à mesure des jours, il s'est avéré qu'il avait juste envie de me mettre dans son lit. Et un troisième, un soi-disant curandero d'une communauté à une heure de Oaxaca, qui pendant un soin m'a très clairement attouché, en me disant que cela faisait partie du protocole du soin.
Donc c'est là aussi pour vous dire que l'idéalisation elle est dangereuse, et que bien souvent il y a des figures d'autorité spirituelles, ou des chamanes, des guérisseurs qui peuvent être de très bons guérisseurs, de très bons chamans, ils sont excellents dans leur pratique mais ça ne veut pas dire qu'ils ont dû répondre à une excellence de conduite et qu'ils ont atteint l'illumination et la perfection morale.
Donc bien souvent, il y a une idéalisation aussi de la part de nous autres occidentaux, de se dire que si ce sont des gardiens de connaissances, c'est que ce sont des êtres “impeccables”. Là encore, malheureusement, c'est une erreur très romantique et qui peut valoir des déboires.
Donc voilà, ça j'avais envie de le partager avec vous pour qu'on ne soit pas dans l'illusion non plus.
Et le dernier élément de précaution que j'avais envie de signaler, c'est que dans toutes ces mouvances de décolonisation et de dénonciation, du néocolonialisme, il y a des mouvements qui sont extrêmes et qui flirtent avec la xénophobie et le fascisme et qui alimentent vraiment des discours qui sont dangereux de séparation et de dualisme extrêmes et qui pourraient tout à fait justifier des violences gravissime. Donc c'est pareil, si vous cherchez un petit peu et que vous tombez sur des groupes qui sont trop extrêmes, il y a aussi cette préservation et ce libre-arbitre qu'il faut placer. Et en fait, du coup, ce libre-arbitre, il est à placer dans tous les pans de cette thématique.
Eh bien voilà, on va passer à la conclusion. Et pour conclure, je voudrais juste peut-être nous inviter, – et je m'inclus dans l'invitation –, d'immiscer, de réinventer une spiritualité qui est simple, une spiritualité qui est reliée à la terre, c'est-à-dire qui respecte un tempo plus organique et qui nous questionne sans cesse des conséquences de nos actes sur la Terre. Est-ce que nous entretenons une juste relation avec la Terre ? Ce premier élément de notre lien à la terre, pour moi, c'est un garde-fou. Il nous fait nous dire quand on bascule dans des pratiques extractivistes, des pratiques abusives, des pratiques qui vont excéder les limites et qui vont entraîner des grands épuisements physiologiques, parce que si on ne respecte pas les tempos organiques, on peut tout à fait arriver à des maladies liées à l'épuisement, liées au manque de respect des besoins physiologiques.
L'autre élément garde-fou qui me semble intéressant d'introduire dans notre spiritualité du quotidien, c'est notre lien aux autres, notre lien à la communauté dont on fait partie. Et c'est là où cette juste relation avec l'autre, elle va agir comme un régulateur des dérives que peuvent entraîner un développement personnel autocentré. Parce que c'est vrai que dans ces mouvances actuelles du développement personnel, on peut observer un prolongement réel de l'idéologie libérale capitaliste. Donc le travail sur soi, il devient un outil pour le développement de son potentiel, pour produire plus et pour atteindre davantage de performance et de productivité. Et ce développement personnel me paraît essentiel pour développer plus d'autonomie et de flexibilité et se sentir plus libre et épanoui dans son quotidien, cependant, si on se cantonne à une perception individualiste de ce développement et qu'on s'isole de la dynamique de la communauté, et bien dans mon sens, ça devient une spiritualité qui est dangereuse et qui ne soutient peut-être pas les minorités et qui donc fait perdurer un schéma.
Alors à nos spiritualités simples, libres, en lien avec la Terre et en tissage avec l'autre.
Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie d'avoir écouté ce podcast, d'avoir tenu jusqu'au bout. Je vous rappelle que les références mentionnées et tout un tas d'autres ressources sont disponibles en annexe de ce podcast sur la page dédiée que vous trouverez dans la description de ce podcast.
Je vous invite également si cet échange vous a plu, à noter l'épisode sur votre plateforme d'écoute. Cela permettra de faire connaître mon travail.
Et n'hésitez pas à partager aussi autour de vous ce podcast. Cela aidera à faire grandir la communauté.
Et si cela vous plaît, que vous avez envie d'aller plus loin, vous pouvez me retrouver sur les réseaux sociaux. J'y partage mon travail artistique de photographe, mes écrits, des références, et puis aussi tout un tas de ressources liées à la naturopathie, aux plantes et à l'art de vivre en général avec la Terre.
Je vous souhaite une belle soirée, une belle nuit ou une bonne journée selon le moment où vous avez écouté ce podcast. À bientôt !
Me retrouver sur instagram :
Découvrir mes réflexions, mes photos et mon travail artistique @camillepelloux_
Ateliers et programmes en ligne en lien avec la naturopathie et l'herbalisme @ecole_deaterra
Avertissement :
Les informations partagées dans ce podcast ne constituent ni un accompagnement, ni un avis médical, ni des conseils personnalisés. Faites appel à votre discernement, votre esprit critique et votre libre arbitre. N’arrêtez jamais un traitement médical en cours ni l’accompagnement par votre professionnel de santé. Faites appel en cas de besoin à un professionnel et un spécialiste pour une prise en charge adaptée.
© Tous droits réservés